VIALATAUX, La Morale de Kant
Description
1JOSEPH ., VIALATOUX I I LA MORALE DE KANT COLLECTION sUP ~53 DE [IVE -. SITAIRES FRANCE ~_u 'ACULTAP DE Estante fl.llllS íS Tabla ID Núm 6 S""3 Oz - LA MORALE DE KANT (»)b ",A 1.A-\ .,. Fa. //11 5UP « INITIATION Section PHILOSOPHIQUE dirigée par » Iean LACROIX 22 « INITIATION Collection dirigée PHILOSOPHIQUE par J ean A 1 "1-1" ~<ht, '+ » LACROIX • LA MORALE Comité de patronage Professeur ti la Sorbonne. t BACHELARD (Gasten), Membre de l'Institut, Professeur honoraire ti la Sorbonne. BASTIDE (Georges), Correspondant de l'Institut, Doyen honoraire de la Faculté des Lettres et Sciences humaines de Toulouse. GOUHIER (Henri), Membre de l'Institut, Professeur ti la Sorbonne. HUSSON (Léon), Professeur ti l' Université de Lyon. MOROT-SIR (Édouard), Conseiller culturel prés t' Ambassade de France ti Washington, représentant les Universités francaises aux ÉtatsUnís. RICCEUR (Paul), Professeur ti la Sorbonne. VIALATOUX (Joseph), Professeur honoraire aux Facultés catholiques de Lyon. ALQUIÉ (Ferdinand), DE KANT par JOSEPH VIALATOUX CINQUIEME ÉDITION IIl!!Wlmfi &l1! LA FAfJlJLrMJ ~,r.¡:'?%Ji' b~?if _ 00A~m:W;JÍ8ITARI GRANADA ~---"'..l-/l N° Documento Copia .6Zt.6J?./. . 6..sZ.~q . PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE 108, Boulevard Saint-Germain, Paris 1968 DU MEME AUTEUR Le discours et l'intuitiotl, lecons philosophiques sur la connaissance humaine et la croyance, introductives a l'étude de la logique et de la métaphysique (2" éd., Lycn, Chronique sociale de France). Morale et politique (Desclée de Brouwer). Philosophie économique, études critiques sur le naturalisme (Desclée de Brouwer). De Durkheim. ti Bergson. (La Nouvelle Joumée, Bloud & Gay). Pour tire Platon. Les antécédents de Platon et la doctrine platonicienne. Lecons sur le Phédon (Editions Ecole et collége), 3" éd., I96r. Le probléme de la légitimité du pouvoir (Editions du LiVIe francais), La cité totalitaire de Hobbes, essai sur la conception naturallste de la civilisation (éditíon augmentée d'une préface nouvelle Chronique sociale de France). ' Signification. humaine dw travail (Les Editions Ouvríéres), 2" éd., 1962, préface de J. LAcRoIX. L'inteniion. philosophique, P. U. F., 6" éd., I965. La répression. et la torture, essai de philosoPhie morale et politique (Les Editions Ouvriéres, 1957). Le peuPlemmt humain (Les Editions Ouvriéres) : T. 1: Faits et quesiions, 1957. T. II : Doctrines et théories. Signification. humaine du mariage, 1959. DÉPOT Ire édition se LÉGAL 4e trimestre 1956 2e 1968 TOUS DROITS detraduction, dereproduction et d'adaptation réservés pour tous pays © 1956, Presses Universitaires de France INTRODUCTION La morale de Kant est un aspect essentie1, et méme sans doute l'aspect dominant, de l'ensemble de sa philosophie, plus précisément du Criticisme kantien. On sera mieux préparé a en discerner l'intention si on la situe dans le milieu d'idées OU elle se pose, et auquel, en large part, elle s'oppose. Elle s'est élaborée dans les dernieres années du siécle OU brillait « la philosophie des lumiéres », le courant d'idées que les Allemands ont appelé l'Aufklii.rung. Paul Hazard a observé les manifestations de cette « pensée européenne au xvme siécle II (1). Il la voit caractérisée, négativement, par un refus des conceptions philosophiques, sociales, politiques, reIigieuses du passé, et, positivement, par une croyance enthousiaste en l'avénement prochain du bonheur terrestre humain, frayé par I'avénement présent des « lumieres », « O bonheur ! fin et but de notre étre !... Réfíexions sur le bonheur ... Építre sur le bonheur ... Sur la vie heureuse ... Systeme du vrai bonheur ... Essai sur le bonheur ... Della Felicita... L' Arte di essere felici... Discorso sulla felicita: .. Die Glückselligkeit ... Versuch über die Kunst stetz frohlich zu sein ... Of Happiness ... Le Temple du bonheur ... C'était a qui répéterait que, de toutes les (1) Paul HAZARD,La pensée européenne au XVIII" tesquieu ti Lessing. siécle de Mon- LA MORALE DE KANT INTRODUCTION vérités les seules importantes sont celles qui contribuent a nous rendre heureux, que de tous les arts les seuls importants sont ceux qui contribuent a nous rendre heureux, que toute la philosophie se réduisait aux moyens efficaces de nous rendre heureux ; et qu'enfin il n'y avait qu'un seul devoir, celui d'étre heureux ! » Le bonheur telJe est la fin a viser. ' Mais qui en frayera les chemins ? Qui nous apportera la technique du bonheur ? - Les Iumiéres ! - Quelles lumiéres ? - Cel1es des sciences, fruit de l'áge nouveau - de Dignitate et augmentis scientiarum, temporis par tus masculus : les sciences de la nature, déjá nées et aussi les sciences naissantes nouvelJes : les sciences del'homme qui s'élaborent sur le modele des sciences de la nature : la Physique. En Angleterre, Bacon les a toutes annoncées; Hobbes a opéré un transfert de l'ordre géométrique a l'ordre moral et politique; Newton a édifié le modele de toute science : la physique ; Locke a inauguré une « physiologie expérimentale de l'áme » ; et Bentham a la téte de l'école nombreuse et florissante du « Radicalisme philosophique », met la raison scientifique, la raison calculatrice, au service d'une « maximisation du bonheur » d'un bonheur défini comme composé d'un máximum possible de plaisirs au prix d'un minimum possible de peines. En France, les « philosophes » se rassemblent sous le signe de l'EncycIopédie des sciences et des arts que d' Alembert et Diderot rangent sous le patronage de Bacon, de Locke et de Newton. Et c'est sous ce signe que les économistes, premiers physiciens de la société, donnent a l'áge qui advient son vrai nom : la physiocratie, l'avenement du regne de la nature que découvre la science. Quelques-uns cependant des plus grands penseurs veulent chercher, plus profond que la physique, les fon- dements mémes de la science et les sources des lumieres, Aux lumieres de la mathématique et de la physique, ils prétendent superposer ceIles d'une Métaphysique se présentant, el1e aussi, comme Science, science d'objets métaempiriques, ~'objets transcendant l'espace et le temps, Science de l'Etre en soi, de l'áme, de Dieu, Science des sources ontologiques de la morale et de l'action : Iumiéres d'un rationalisme « dogmatique » portant les noms de Descartes, de Malebranche, de Spinoza, de Leibniz; de Wolff surtout, disciple de Leibniz et premier maitre de Kant. Kant avait recu les « lumiéres » de ce « dogmatisme », physique et métaphysique. Mais il fut « réveillé de son sommeil dogmatique » le jour OU illut Hume, notamment la subtile et pénétrante critique de la connaissance de la causalité, développée dans la septieme section de l' Essai sur l'entendement humain de 1748. Cette critique lui révéla que le jugement de causalité n'est point, comme on le croyait, un jugement analytique tirant de la cause l'effet qui s'y trouverait précontenu ; mais un jugement synthétique affirmant une « connexion nécessaire » entre une cause et un effet radicalement hétérogénes l'un a l'autre. La critique de Hume montrait qu'une teIle connexion n'est connaissable ni a priori par déduction (l'effet n'étant point analytiquement précontenu dans la cause) ni a posteriori par expérience (l'expérience ne pouvant donner a connaítre que des conjonctions empiriques entre. des événements « entiérement láches et séparés », mais jamais des connexions nécessaires). Cette critique induisait au scepticisme et compromettait gravement les « lumiéres )), non seulement celles de la métaphysique prétendant connaitre des réalités transcendantes, mais celles mémes de la physique prétendant connaitre des 2 3 en trois grands problémes. Comment nier la possibilité. son éducation religieuse. Kant refusa de telles perspectives. vol. ))((Rousseau. comme Hume dans le domaine de la science. de l'étendue légitime et des confins de ses pouvorrs.l'art de frayer. est le Newton de la morale. et l'avait invité a chercher la moralité. Rousseau réveilIa Kant d'un sommeil dogmatique dans la INTRODUCTION 5 phiIosophie morale. dans la voix intérieure de « la conscience commune ». )) Réveillé par Hume et par Rousseau. selon Kant. Erhobenen . et je m~ trouve:~s bien plus inutile que le commun des travailleurs. dans la droiture de la bonne volonté. •_ und. bien moins dans les écoles savantes des docteurs physiciens ou métaphysiciens. La question fondamentale de la valeur et des pouvoirs légitimes de notre raison. que dans la sincérité et la pureté du cceur. Et avec les lumiéres de la science physique et de la Science métaphysique. Seule subsistait. Ensuite. paree que. dont l'atmosphere avait entouré et imprégné. la mathématique. et si la loi morale n' est pas une loi de la raison. Spener cependant fondait la morale directement sur la gráce surnaturelIe. leur nécessité pouvait étre connue a priori. II. C'est cette entreprise qui définit le ( Criticisme )) kantien. Rosenkranz. Cette ilIusoire supériorité s'évanouit. c'est la morale . les « lumieres ») pouvait constituer l'honneur de l'humanité. des sa jeunesse.qui menacait ruine. si le secret de la morale peut étre demandé soit a une science physique des phénoménes du monde. Kant se demandera si elle n'a pas un fondement directement rationnel. paree que sa pensée inclinait vers d'autres voies sous deux influences profondément pénétrantes : D'abord l'influence du « piétisme ))luthérien de Spener. et je méprisais le peuple qui est ignorant de tout. soit a une Science métaphysique de l'étre en soi. p. se ramifie. scientifiquement valable. les chemins du bonheur.Iacques Rousseau. les jugements mathématiques étant. triomphante et irrécusable ! Mais la morale ? Kant était prét déjá a se demander si la moralité. Si je ne croyais que ce sujet d'étude peut donner a tou~ les autres une valeur qui consiste en ceci : faire ressentir le droit de l'humanité (1). Kant résolut d'e~treprendre un examen critique de la valeur de notre ~~son.4 LA MORALE DE KANT nécessités phénoménales. tout au moins. dit encore Kant. Z40). des jugements analytiques. 1781. visé comme fin . Kant a proclamé cette influence de Rousseau sur sa pensée morale : « 11fut un temps OU je croyais que tout cela (l'intelIigence seule. qui sont for~ulés dans les te:~es suivants par la 2e section du chapitre II de la Deuxiéme Partie de la Critique de la raison pure : 10 Que puis-je savoir ? was kann ich wissen ? 20 Que dois-je faire ? was soll ich thun ? 30 Que m'est-il permis d'espérer ? was dar! ich hoffen? La premiere de ces trois questions fait l'objet de la Critique de la raison pure (Kritik der reinen Vernunf t ). d'une physique ? La science de Newton est la. a besoin des lumieres de la physique et de celIes d'une métaphysique se présentant comme science . j'apprends a honorer les hommes.. Il y était prét. par les lumíeres. C'est Rousseau qui m'a désabusé. aux yeux de Hume. 1'e P. l'influence de jean. Les deux derniéres sont traitées dans Les Fondements de la métaphysique des mceurs (Grundlegung zur Meta(I) Bemerkungew Z1' den Beobachiwngen uber das Gefühl des SchOnen (éd. pour se constituer. chap. E. le Traité de pédagogie (1803). HANNEQUIN.. dela r. DELBOS (De1agrave). p. Aubier. F. E.F. (2) A la philosophie pratique de Kant on peut rattacher : la Critique du iugemmt (1790) . Traité de morale générale (P. Kant. 1788 (2). ID. décembre I958).Préjace 11 la trad. La philosoPhie de K ant. prai.P. Des lors que. La religion dans les limites de la raison (1793) . dans Figures et doctrines de philosophes (Plon.Préface a la trad. Le mot Grundlegung. elle est la. La philosophie kantienne de l'histoíre iRecherches et dialogues économioues el phslosophiques. (1) I1 faudrait traduire exactement: Etablissement d'un fondement pour une métaphysique des mceurs. BOUTRoux.La conscience morale.). de la r. cela est attesté. PICAVET(r943) de laCrít. trad. Les premiers principes de la doctrine dlt droit et Les premíers príncipes de la doctrine de la cert« (1797). PICAVET. . fr. La forme de la connaissance es! apportée par l'esprit. Pasquale SALVUCCI. Il s'agit d'établir une Rechtfertigung de la science. et dans la Critique de la raison pratique (Kritik derpraktischen Vernunft).notamment de cette physique matémathique de Newton que Kant avait sous les yeux. « Legos »). 26 éd. PREMIERE QUESTION QUE POUVONS-NOUS SAVOIR? (DOCTRINE DE LA SCIENCE) Quelle est la valeur et l'étendue de notre pouvoir de connaitre (Erkenntnissvermogen) ? Que notre raison ait un certain pouvoir de connaitre.ALQUIÉ. Critique de la raison pratique. par l'existence et le progrés de la science .L'uomo di Kant. et la conjonction zu en exprime l'intention.. Devant cette question. d'établir un fondement. U.. d'une matiére et d'une forme. de J. LACROn:. 1954).Méme ouvrage. GILSON(Vrin. THAMIN. BARNI du Traité de pédagogie. en fait. coll. La matiére de la connaissance sera apportée a l'esprit (sous une réserve importante indiquée ci-dessous). U. Lntroduction a la trad. LACHELIER(Hachette). LACHIEZE·REv. I93I).. 1942. Mais de que! droit est-elle la ? A quelles conelitions est-elle possible ? Il s'agit de justifier son existence. U.. J.La philosophie pratique de Kant (Alean.Pour connatire la pensée de Kan! (Bordas). et de l'importante préface de sa deuxíéme édition de I787. le monde el Dieu (notamment les compléments de la nouvelle édition.aprés avoir rappelé l'essentiel des concluSiODSde la Kritik der reinen Vernunft. elle puisse étre la. i1 faut bien que. TREMESAVGUES et PACAUD. p. ID. en fait.. U. r9I8). F.6 LA MORALE DE KANT physik der Sitten ). PASCAL. signifie littéralement l'action de fonder. trad.. G. trad. 1962. Critique de la raison pure (trad. Lectures partículiérement utiles : A. F. G. 1955). F.« Que sais-je ?'. la Critique de la raison pure fait la elistinction essentielle. Kant et le kantisme. R. P.. ID. R. 232256. MADINIER. studi filosofici (Argalia Editore Urbino. nO 1213 (P. 1963). G..La philosophie cubique de Kant (P. en effet. quels objets de connaissanee lui sont accessibles. nO 3. KANT. et 11 la Kritik der praktischen Verrunit . en toute connaissance. . F. P. Lectures nécessaires : KANT. WEIL. Nous bornerons notre exposé a la Grundlegung .. 1966). Fondements de la Métaphysique des mceurs. 1926). préface de E. L'I:déalisllle kantien (Alcan. U. DELBOS. en droit... et introd. Problémes kantiens (Vrin). ID. F. DELEUZE. de V. Le moi. KANT. pure. TREMESAVGUES et PACAUDde 1905 de la Cr. de elire cornment et dans quelles limites elle est possible. et introd. 1967). LE SENNE. 1785 (1).II (EditionduSeuil. V. 1905). et de définir l'étendue de son ressort.Personne et amour. 2" éd. I950).U. 64-67 (P. étude rééditée dans le volume : Hisioire el mystére. parce qu'elle est cette conscience de soi qui. Tout ce que notre raison recevra sous ces formes aura nécessairement. Ces formes de la sensibilité de la raison sont l' espace et le temps. c'est-á-dire de la raison elleméme en tant que puissance de recevoir une matiere.. « Il ne peut y avoir en nous de connaissanees. 11 doit y avoir une condition qui précede (logiquement) toute l'expérience et qui rende possible l'expérience elle-méme -laquelle doit rendre valable une telle supposition transcendantale. Tout le divers de 1'intuition a un rapport nécessaire au Je pense dans le méme sujet oü se rencontre ce diverso Cette représentation . de ce chef. en produisant la représentation Je pense. des prolongements gráce auxquels leur activité pourra les reioindre. SAVOIR ? 9 e) Enfin des idées transcendantales a priori de la raíson. du Sujet pensant. sensibilité). noumenes stimulant notre activité rationnelle vers l'unité de la connaissance. doit pouvoir accompagner toutes mes représentations car autrement serait représenté en moi quelque chose qui ne pourrait pas du tout étre pensé. sous ce terme. de liaison. transcendantales et a priori. Ce sont les catégories (ou concepts transcendantaux a priori) et les principes (ou jugements transcendantaux a priori) de l' entendement puro Les catégories de l'entendement pur ont en outre. ou encore aperception originaire.. la morale non moins que la science : « Le Je pense. Toute cette structure rationnelle est unifiée elle-méme par 1'Unité transcendantale du « Je pense >l. idées régulatives. . l'expérience. que Kant appelle souvent l' « Unité de l'aperception transcendantale ». b) Des formes constituantes. implique cette supposition. schémes par lesquels s'exprime. mais de la sensibilité transcendantale et a priori de notre raison.. ne peut étre accompagnée d'aucune autre (les transcende toutes). Ce sont les idées du monde. » Autrement dit. Ces formes et ces schemes font l'objet de l' « Analytique transcendantale n. Notre raison connaissante est une raison formelle .. dit Kant. _ Elles font l'objet. elle ne serait rien pour moi . je la nomme aperception pure . Cette structure comprend : a) Des formes réceptives de l' expérience. une structure de formes qu'unifie l'unité transcendantale du « Je pense ». de la sensrbilité affective. dans la direction des intuitions sensibles. est possible moyennant ce double l0 La forme de notre connaissance humaine est rationnelle. Ce dernier point est important et intéresse communément l'usage spéculatif et l'usage pratique de la raison.. une intention de mainmise des formes intellectuelles sur la matíere sensible. et que Kant appelle leurs schémes dans l'imagination pure a priori.. doit pouvoir accompagner toutes les autres. de l' ame et de Dieu. ou que. Elles font l'objet de la « Dialectique transcendantale ». s'y engager et les subsumer. et qui. pour étre possible. aiguillon idéal de 1'unification progressive de nos connaissances. Il ne s'agit point ici. si l'on peut dire.. une et identique en toute conscience. de « 1'Esthétique transcendantale » (octcr6'Y)<nc.8 QUE POUVONS-NOUS LA MORALE DE KANT La connaissance apport. et c'est cette supposition qui seule explique la possibilité de l'expérience. que Kant appelle : formes transcendantales ou a priori de la sens~bilité. formes constructrices des objets de la perce:ption (qui est un commencement de la science) et de la science (qui est un progres de la perception). du moins. dans la premiere Critique. forme spatio-temporelle. ce qui revient a dire que la représentation serait impossible. et d'unité de ces connaissances entre . Les seuls objets de eonnaissanee aeeessibles a notre pereeption et a notre seienee sont des objets phénoménaux. a distínguer forme et -"" . et des intuitions (soit pures. La prétention d'outre-passer ees limites serait semblable a eelle d'une eolombe légere qui prétendrait voler au-dessus des límites de l'atmosphere. apportée également par l'esprit... Les formes rationnelles du Je pense ne trouvent. L'espaee et le temps sont a la fois forme et matiére. Elle est donnée dans l'intuition. et pour forme les eatégories intelleetuelles de la quantité. Ce qui expliquera: d'une part.. mais qui ne sont que sensibles. réeeptives de toutes les données empiriques a posteriori.l f~We~fo. en ee sens. QUE POUVONS-NOUS SAVOIR ? II Nous avons ainsi des formes intelleetuelles. _%-"'" . nous avons : et des formes rationnelles pour éclairer et organiser nos intuitions sensibles. nos formes resteraient vides. mais pas sous le méme rapport : forme a priori par rapport au donné empirique a posteriori. recus par la forme spatio-temporelle des intuitions pures. sont en méme temp~ matiére intuitive a priori. Et nos esprits humains n'ont d'autres intuitions que les intuitions sensibles. U ~ . Sans ees intuitions. tout a la fois. et dont les jugements pourront étre. Mais hors de ees limites.. a posteriori... Nous n'avons pas d'intuitions intelleetuelles (1). sans ees formes.'i. La est la réserve importante annoneée ci-dessus. . L'espaee et le temps. nous ne sommes plus outillés pour savoir. fournisseuses d'une matiére.ro LA MORALE DE KANT elles.. lesquels. e'est le Je pense qui est transeendantal (et. par rapport aux eatégories intelleetuelles. Dans ees limites. qui n'est que formelle. la possibilité d'une scienee des phénomenes sensibles de la nature.. chez nous. une expérienee et une seienee. mais qui ne sont que formelles .¡\. apportées. qui aura pour matiere les intuitions pures de la sensibilité de la raison (espaee et temps).fj)~ ~ . et matiere sensible intuitive a priori. Mais. C'est le sujet. sans eette unité de la conscience qui précede (logiquement) toutes les données des intuitions. qui sont formes a priori. eonstituent valablement Wle « nature ». et recues par les formes a priori de la sensibilité de la raison : espaee et temps.' I'íl"~(... par les sensations. et par rapport a laquelle seulement toute représentation d'objet est possible. a s'alimenter que d'intuitions sensibles. Nous ne sommes pas en mesure de connaítre des objets transeendantaux. Que suit-il de la quant a notre pouvoir de connaítre ? Que pouvons-nous savoir ? Notre science sera néeessairement limitée au domaine de l'expérienee spatio-temporelle. A savoir : d'abord les « intuitions pures )) de l'espaee et du temps. reine Mannigfaltigkeit.et ensuite les intuitions empiriques. 20 La matiére de la eonnaissanee est sensible. lr' llt b. » La forme de la connaissanee est rationnelle. intuitions sensibles a priori . faute d'intuitions intellee(1) Si nous en avions nous n'aurions plus matiére dans la connaíssance. apportées par l'esprit. et des intuitions sensibles pour alimenter nos formes rationnelles. la possibilité d'une scienee mathématique. l'injonetion des formes rationnelles sur les intuitions sensibles. a priori et synthétiques (eontrairement a ee que eroyait Hume) . soit empiriques). nos intuitions resteraient aveugles et dispersées : un pur « divers » insaisissable. La subsomption des intuitions sensibles sous les formes rationnelles. et d'autre part." > ". paree que plus aueune intuition n'est offerte aux formes de notre raison. offerte a la morsure des eatégories de l'entendement. métaphysique). tombera du eoup sous la prise de la mathématique. . les « nouménes » régulateurs de l'expérience. ne demandons point a la science de nous faire conmaitre ce qui. chez Kant. mais elle ne saurait régner sur l'action en lui efforts tentés pour dissiper cette illusion prétendue. du cóté de sa matiére. révéle du méme coup sa transcendantalité par rapport a la nature. mais non pas une métaphysique se présentant comme science d'objets transcendants. la Critique de la raison pure apporte déjá une garantie anticipée.dans son Traité d'esthétique.. de la Critique de la raison pltre.. d'aprés l'auteur des Fondements de la métaphysique des mceurs. les idées transcendantales.. p. le monde sensible. mais OU il ne pourra étre question que du sujet transcendantal. en lui faisant connaitre son théátre. nous voulons dire un acte décidément imprévisible. les deux Critiques: « Si l'action morale reste pour la conscience. XI-XII). celle de l'existence valable de la science et des conditions a priori de sa possibilité et de sa valeur. Redisonsle : si nos objets connaissables sont phénoménaux. des conditions subjectives transcendantales d'une science des phénoménes et d'une moralité des actions. ayant dans une unique raison. Et par la. a une matiere sensible. une spontanéité. au-dessusde l'expérience phénoménale. Cela ne signifie pas qu' aucune métaphysique ne nous soit accessible.. comment oublierions-nous qu'il en est de méme de la scíence. et bornée qu'elle est. SEGOND. notre science ne peut porter sur des objets supra-sensibles. dans la pensée de Kant. humaine a la fois et universelle. I1 serait intéressant de rapprocher ces ligues de celles écrites par J. une inspiration. et en produisant. La science.(2 LA MORALE DE KANT tuelles... la scíence qui se fait est une inspiration. devient la garantie de fait de l'existence du devoir .. en dépit de tous les DEuxr:EME QUESTION QUE DEVONS-NOUS (DOCTRINE FAIRE? DE LA MORALITÉ) Ce que nous devons faire. est capital. une vie. et que. qui ne peut connaítre que des objets phénoménaux. nous pourrons parler légitimement. nous ne saurions légitimement le demander a la science. selon Kant. p. Notre raison. pour tomber sous les prises d'un déterminisme qui resterait indémontrable. si la science toute faite est un ensemble de traditions . et ne demandons point a l'action de déchoir de son rang. étant au-dessus des catégories scientifiques. Une mathématique et une physique objectives du monde extérieur et une psychologie expérimentale des phénomenes intérieurs sont possibles et valables . le sujet connaissant est transcendantal. . La science peut bien servir notre action. (1) Les ligues suivantes d'Hannequin nous semblent exprimer avec bonheur le lien étroit qui unit. 18r. en imposant ses formes aux intuitions sensibles. . et justifie d'avance la possibilité transcendantale d'une « causalité par liberté ». d'une « métaphysique de la nature» et d'une « métaphysique des meeurs ». Nous pouvons aborder maintenant la deuxieme question.. a une valeur pratique de la raison (1). ne saurait s'y soumettre sans une interversion des vrais rapports des choses. la source évidemment inconnaissable de toute connaissance et de toute activité? Si la science et l'action sont des suites de la raison. qui est le premier. fr. »(Préface de la trad. s'il devait se présenter comme autre chose que comme une conséquence de l'applicatíon des lois de notre connaissance a la nature et a l'expérience . Ce dernier point. Une seule voie reste ouverte : celle qui retourne la recherche du cóté du Sujet transcendantal lui-méme. Certes. Ce qui doit étre par la liberté ne saurait étre fondé sur l'expérience. d'autre étre raisonnable que I'homme : car. qui ne trouve a s'alimenter que d'intuitions sensibles. Pour assurer l'empire souverain de la loi morale universelle sur l'honune en particulier.Il s'agit d'établir une « métaphysique des moeurs » (qui appellera a son tour une « critique de la raison pratique » pour la justifier). Certes aussi. autre celle de la fonder. faisant ainsi de la moralité le privilege d'un savoir pour une aristocratie de doctes. alors méme que nous ne rencontrons.14 LA MORALE DE KANT QUE DEVONS-NOUS FAIRE fournissant sa loi.a la différence de la « métaphysique de la nature » dont la tache était de fonder ) \ . mais autre est la tache d'appliquer la morale a l'homme. en un mot de la raison pratique. une telle science étant inaccessible a notre raison formelle. les Iois universelles de toute volonté raisonnable en tant que raisonnable mais a subsumer la nature humaine sous la loi régís~ sant tout étre raisonnable en général. et ne connait que d'objets phénoménaux. n~n point a accommoder aux conditions empirrques humaines. . nous ne saurions le demander non plus a une métaphysique se présentant comme science d'objets transcendants. en tant qu'empiriques. loin d'apporter au sujet transcendantal la loi de son action. Quel est le dessein et quelle va étre la méthode de Kant ? (dans la raison transcendantale) les lois de ce qui est dans l' xpérience. Et son application méme a l'homme devra c?nsister. pour appliquer a l'homme la loi morale. nous donne occasion de le concevoir . méme alors. Le concept essentiel d'une telle métaphysique. sur une observation empirique de l'homme (psychologie ou anthropologie). Sans doute c'est l'homme qui nous suggére ce concept.Les unes et les autres cherchent en vain la solution du probléme moral en se tournant du cóté d' objets a connaitre. Telle est précisément la tache d'une métaphysique des meeurs. c'est de fonder dans la raison transcendantale les lois de ce qui doit étre par la liberté . mais une métaphysique consistant en un retour auSujet. ? 15 (r ) 1. la morale devra étre fondée universellement pour tout étre raisonnable. d'autres étres raisonnables que l'honune sont couce: . la morale aura bien a considérer l'homme . ~ais c'est a la métaphysique qu'il revient de jonder le~ jugements moraux de la conscience commune. mais c:est sur tout étre raisonnable que regne une « métaphysique des moeurs » (1). recoít au contraire de la raison transcendantale la forme de sa légalité naturelle.de la raison en tant qu'elle s'impose a l'action. la Gesetzmiissigkeit de la nature. Sont ainsi exclues les morales dites scientifiques et les morales dites théologiques.1faut id remarquer que le concept d'étl'e raisonnable est plus extensíf que le concept d'homme.indépendarnment des propriétés particuliéres de la nature humaine . Avant d'étre appliquée a l'homme en particulier. Ce que nous devons faire. Non point une métaphysique se présentant comme une science d'objets transcendants. La tache d'une « métaphysique des meeurs ». car l'ordre des phénoménes. . tout homme a bien en lui ce qu'il faut pour juger du bien et du mal. dans l'expérience. c'est le concept de Yétre raisonnable en général.en pure raison. objet de la science. il faut fonder cette loi . La raison est la facuIté de produire Le dessein. . 16 LA MORALE DE KANT des lois. par voie de synth~~e dégressive. mais s'y trouve engagé et compris. VIALATOUX 2 . métavables. d' expliquer le jugement moral par les conditions transcendantales qu'il implique. comrne d'autre part la nécessité de la science. mais J.Cette pureté rationnelle de la loi. Nous ne qualifions pas moraux par eux-méme.e. n'est point extérieur a la conscience morale humaine la plus comrnune. Car ils ne déterminent pas par eux-mémes l'usage qu'enfait la uolonté. soucieuse de creuser jusqu'aux fondements métaphysiques de la moralité. d'établir une légalité (Gesetzmiissigkeit). non par ses succés. La nécessíté de la morale. ~ette analyse partira des jugements moraux de la conscrence comrnune . c'est la bonne volonté.. de la perception comrnune pour découvrir les conditions rationnelles a priori de l'expérience). l° La bonne volonté. qui n'est pas un homme. les dons de la nature ou de la fortune. tient a sa légalité rationnelle. le Malin Génie tro~pant ~escartes. la plus vulgaire . métaphysique. de la ee saine raison vulgaire ».) La partie analytique de la méthode a done pour but de dégager des jugements m?raux de . La seconde répond a l'appel d'une « philosophie pratique ». La loi morale vaudra pour notre volonté humaine paree qu'el/e vaut pour la volonté de tout étre raisonnable doué de volonté. comme pour l'homme Desea. Tout étre ayant cette facuIté est un étre raisonnable. Elle p:epare . puis repnse et complétée par la Kritik.rtes. et que l'homrne est un tel étre. (Cette analyse régressive est conduite par l~s deux premieres sections de la ar..(de méme que les analyses régressives de la Critique de la raison pure partaient d~s jugemen:s. comme pour E.notre consience a tous -.la . Elle peut en faire un mauvais usage. Car le fondement transcendantal. qu'il s'agit de découvrir la présence en elle de la raison transcendantale qui vaut pour tout étre raisonnable. QUE DEVONS-NOUS FAlRE ? 17 mpirique. Ce que notre conscience tient pour bon moralement sans restriction. Et ce n'est point en la quittant. homme ou autre.la synthese esquissée par la troisieme section. ou les talents de l'esprit. La méthode.u~. mais en l'approfondissant. violent la 101morale universelle qui vaut pour tout etre raisonnable. objectif de la métaphysique des mceurs. § l. EIle l'est. et qui o'est pas un homme. q~ est un etre humain ! pour le « Malín Génie » hypothétíque qui inquiete Descar~es. LQClf~rtramo pant Eve. c'est la bonne volonté. LA CONSCIENCE COMMUNE OU « RAISON VULGAIRE » Il faut prendre acte d'abord du térrtoignage que dépose la saine raison vulgaire sur la moralité. c'est par la voie d'une analyse régressive qu'il faut la découvrir.dlegung. La loí morale quí interdit de tromp~r vaut l?our Luci~er. Il s'agira ensuite. .:.consclence C01~mune l'élément formel uníversel qui s y trouve engage. La seule chose moralement bonne par elle-méme. PREMIERE PARTIE Analyse régressive vers la métaphysique des mosurs (Zur Metaphysik der Sitten) La premiére section de la Grundlegung formule la simple déposition de la conscience cornmune. lis ne supportent pas un examen rigoureux. volonté bonne. en termes émouvants. tout organe est ad. Et p~r la. bonne par sa disposition propre. Et Kant observe que le précepte evangelique d aimer son proehain et méme son ennemí ne se eomprend que gráce a eette distinction.apt~ a sa fonctíon. pnse.I874. Car la raison (Rousseaul'a bien vu) empecheso. ou de le faire en ~eme. ou méme. Une action pourra d'ailleurs étre accomplie tout a la fois par devoír et par inclination et intérét. Ce n'est cependant pas la méme chose de I'étre par sympathie naturelle ou de l'étre par devoir (avec ou sans sympathie naturelle). et aurait mieux fait de eonfier ee soin a un instinct plutot qu a une raison . Kant donne ici une justification indirecte demandée a l'idée d'une finahté de la nature. son intention maxime qui inspire son aetion (1)..a1eur proprement mor~e. Qu'est-c~ qui fai~ ~'une volonté une volonté bonne ? Cette question renvoie 1 a~alyse régressive a un autre concept qui permettra de . S n action alors est bien extérieurement conforme au d ivoir .dOlt done pas etre dans eette fonetion utilitaire.0ndeb~en plus qu. fr. c'est celle qui agitpar devoir. Ce concept est celui du devoir. le cas échéant. Mais ce n'est pas la mérne chose de chercher le bonheur seulement par inclination.tr raison a cette visée). La bonne volonté.uventl'hon. trad. La destination de la raison ne .. e est pourquol e est un devoir de travailIer a son propre bonheur temporel et a celui d'autrui.t Mill devait faire. la nature s'y ~ralt for. d'écarter . Consístant dans la bonne volonté elle est a la portée de tous les hommes. n:est pas cependant accomplie par devoir. C est un devoir (indirectement) de se préo~cuper de SO? propre bonheur temporel. » (Autobiographie. c'est-a-dire a l'idée que. ~~ Kant d?nne ~ exemple plus subtile encore. b) Conserver ~a ~ie ~~t tout a la fois (normalement) U? devoir . ~lle. Chacun y apporte une sollícitude qur est le plus souvent sans v. D~s actes co?formes au devoir peuvent n'étre pas accomplis par devoir. Elle est de produire une. chacun incline au bonheur.f 18 LA MORALE DE KANT par son vouloir méme.elle ne l'y aide (de la vient la misologíe de ceux qU1?DplOlent le..une de se sentir et de se rendre heure. et si e'était a eette fin qu'eJle nous eüt dévolué une rals.!:mal. et du eoup vous ne les trouvez plus suffi~ts. . Or. Si l'intention de la nature eüt été d'orient~r 1 aetion humaine vers la prospérité et le bonheur temporel de 1 agent . e) Etre bienfaisant est un devoir. désirant la mort. Demandes-vous SI vous étes heureux et vous cessez de I'étre . mais par mteret. paree que le faír de ne pas etre content de son état et de vivre sous la constante pression de besoins non satisfaits constitue une tentation permanente d'enfreindre ses devoirs. . et c'est autant que possible ce danger . qui mente attentIon. a) Il est conforme au devoir d'un march~d d ~ervlr 7 loyalement ses elients sans abuser de leur mexpenence. un devoir. t . i1 faudrait qu'elle voulüt cela par devoir en méme temps que par inclination. p.l'~veu de e~t échec d'une visée du bonbeur : « Essayez de faire des plaisirs de la vie le but principal de la vie. la ? 19 Milis ~ marehand avisé peut agir ainsi par intérét.discerner la bonté d'une volonté. Par devoir (aus Pflicht). Stua. V. Pour que la volonté de conserver sa vie füt une bonne volonté. 20 L'obéissance au devoir et le sentiment du respecto Mais la bonne volonté implique tacitement une notion que l'analyse doit expliciter. chez les vivants.ux dans ee l1l. . L'amour par (1) De ee jugement de notre eonscienee.et une íncíínatíon. paree que procédant de l'inclination plus que du devoír. et non pas seulement en conformité avec le devoir (pflichtmássig).?n pratique d?nt la fonetion serait de viser eette fin. la ~oraJ¡ té ne sera pas le privilége d'une aristocratie du savoir. - FAlRE f~r 1 ¡ I I I . résisterait par devoir a la tentation de suicide. chap. Kant propose ici des exemples : . centre l'inclination comme dans le cas d'un malheureux qui. QUE DEVONS-NOUS et son effort. de CAZELLES. I35-I36)..t~mps devoir. c'est la soumission au devoir. C'est un idéal de llmagmatlon et non de la raison.n'avoir pas de bons sentiments (1). cette ~dé~po~e un tout absolu : le contentement de toutes les lnclinatI?~s. chose. comme si l'action ne pouvait étre voulue par bonne volonté qu'á la condition de répugner a l'inclination. ~e rigorisme k~ntien ne consiste pas a déclarer mauvaises les Inclinations . mais a refuser qu'eIles servent de (r) SCHOPENHAUER.20 QUE DEVONS-NOUS LA MORALE DE KANT inclination ne peut se commander. plutót que dans ceux oü l'inclination concorde avec le devoir. qu'on peut la reconnaitre avec le plus de süreté.) FAIRE ? 21 qu'a la co~dition .de . qui réside dans la volonté agissante. Par sa matiére elle ne se. (SCHILLER.Décision. Ce rigorisme . Ce qui constitue la volonté bonne. mais il peut étre commandé de faire le bien méme sans inclination. hélas ! je le fais avee inelination (mit Neigung). Nous avons vu qu'il lui fait meme un devoir de se préoccuper de son propre bonheur temporel et de celui d'autrui . mais personne ne p~ut dire au juste ce qu'il souhaite. elle exigerait la pleine connaissance de toutes les conditions de ce contentement.auquel Kant tenait .t~ese es~ que la morale ne peut étre fondée sur In sensibilité affective. La bonne volonté.r est ~nscrite nécessairement dans la nature de :( tout. ette mt~rpretatlOn fausse la pensé e de Kant. § 6. pour étre obéi. que son rationalisme. et nous verro~s qu'il inclut dans le Souverain Bien le' Bonheur parfait. Idéal indéterrnme :. Les philosophes. . L'idée de bon~eur ~'es~ pas une idée rationneIle pure. Par sa forme. toutes nos inclinations ( omme toutes nos intuitions) sont sensibles. c'est done la volonté d'agir par devoir. Le probleme qui occupe Kant est ce1ui du fondement de la 111 rale: ~a. tels les hommes sont en méme temps des étres sensibles. . Schiller s'est moqué de ce rigorisme en deux épigrarnmes intitulées : « Scrupule de conscience et Décision » (1). . et non pas essentiellement 1'antagonisme avec l'inclination. Le rigorisme kantien. Schopenhauer s'est associé a cette moquerie : on ne pourrait faire son devoir (1) SCl'upule de conscience : • Je sers volontiers mes amis. au fond. indépendamment des l?clinatI~ns sensibles qui peuvent exister chez ceux des etres raisonnables qui.Aussi est-ce dans les cas oü eIle lutte contre l'inclination. II. et ainsi j'ai souvent un remords de u'étre pas vertueux .nous ~oulons tous étre heureux. et de l'amour qu'il appeIle « pratique ». c~mpose que de données particuliéres. comme c'est le cas quand il s'agit d'un ennemi. Kant dénonce la confusion de 1'amour qu'il appelle « pathologique ». Le [ondement de la morale. C'est ce dernier qui est commandé par le précepte évangélique.ais c~la ~'entraine point une forme d'ascétisme qui consisterait a repousser le bonheur. . Pour lui.• . On 1'a interprété comme s'il exigeait que le devoír. . le soit sans inclination ou mieux encore a 1'encontre de l'inclination. qui veut une metaphyslque des moeurs établie en raison pure et v~ab!e pour tout étre raisonnable. et faire alors avee répugnanee ee que t'ordonne le devoír.a été parfois incompris.Kant ne demande pas a ~et ~tre ~e renoncer au bonheur. ' M. Mais il faut se garder de confondre le cas qui permet de la reconnaitre avec le caractere essentiel qui la constitue. La tendance au bonheu. Il faut comprendre la signification exacte du « rigorisme » kantien. chap. mais. Le rigorisme de Kant n est autre. etre raísonnable fini ». : « Tu n'as qu'une ehose a faire : il faut tácher de mépriser eette inelination. qui réside dans la sensibilité. en méme temps qu'il va a la loi.. p.' d'autre part.jamais des choses. non le fondement.. Obéissance intentionnelle a la loi. 36 éd. FAlRE ? 23 ti cule et n'ayant d'autre objet qu'elle.r 22 LA MORALE DE KANT QUE DEVONS-NOUS maximes a la volonté et de príncipe a la moralité. mais il refuse que ce soient ces sentiments qui fournissent a la volonté ses regle s de détermination.. les mobiles sont des sentiments inclinants. Il est le retentissement de la rationalité de l'étre raisonnable (auteur de la loi) sur la sensibilité de I'étre sensible (sujet subordonné a la loi). Ne prenons pas le sigue pour la chose signifiée. » (L'expérimce morale. Ricceur. Nous venons de voir que le motif moral de la volonté bonne. Rauh. des personnes en qui est présente la loi morale universelle. il humilie notre amour-propre en tant que nous ornmes individu sensible. Il est. « l'acte de se situer soiméme dans un tout de personnes comme membre et souverain de la communauté éthique que les personnes formeraient toutes ensemble si chacun se situait par rapport a tous selon la réciprocité du respect ». Le sentiment de respect a un double aspect : d'une Iart.. qui a pour objet la loi (et les personnes comme sujets de la 1 i) . La bonne volonté est une intention qui implique. Méme lorsque nous n'obéissons pas a la loi morale. c'est-á-dire en tant qu'ils sont.. I I I ! I •. c'est l'obéissanee au devoir par devoir.. tres consonantes avec la pensée de Kant touchant le « rigorisme ». engendré par la seule représentatíon de la loi. Sentiment sui generis.. méthodiques. Quel est maintenant son mobile moral ? Le mobile de la volonté bonne est un sentiment original. attachées a la recherche de la vérité . a pour objet du méme coup tous mes semblables en tant que tels. mais le mobile subjectif de la moralité.. en moi. sont a la fois raisonnables et sensibles. selon l'expression de M. I1 ne faut pas identifier le calme et la raison. La volonté d'un étre raisonnable et sensible doit se déterminer par un motif et un mobile moraux.en nous. 39-41). il nous donne le sentiment de la grandeur de la personne raisonnable. La bonne volonté. un « mobile » moral. Le respect. C'est pourquoiil suppose des étres qui. I1 n'exc1ut pas de la moralité l'acte accompli avec inclination (mit Neigung) mais l'acte accompli seulement par inclination (aus Neigung). comme moi. illes accepte comme des conséquences inévitables. la lácheté consciente ou inconsciente ont des allures parfois sages. nous éprouvons pour elle le sentiment de respecto Le respect est un « produit spontané » de la raíson en nous .. Mais i1 ne les cherche pas pour eux-mémes. qui a pour objet direct. 1 J .I1 faut cependant aussi l'homme. Ce sentiment se mme Respect (Achtung).. L'honnéte homme ne recule ni devant la souffrance ni devant le sacrifice.. étres sensibles. Ce sentiment de respect. I1 y a au contraire de saintes coléres.. peuvent aider a le comprendre : «Le désintéressement est un sigue ordinaire de lamoralité . I1 unit ainsi les deux parties de' notre dualité humaine. Tandis que les motifs sont des raisons déterminantes (exemple : agir par devoir ou par intérét). I1 ne condamne point les bons sentiments ni ne réprouve la joie de bien faire. quel que soit le désir (1). revétue d'une dignité. c'est la volonté qui veut obéir au devoir. lié a (1) Les pensées suívantes de F.. puisque l'homme est un étre sensible en mérne temps que raisonnable.. La sottise. I1 serait cependant absurde de ne tenir pour morales que les actions indifférentes ou douloureuses pour la sensibilité rebelle . respect de la loi et 11 a Le respecto ... la loi morale universelle. comme les hommes. C'est un effet de la raison • sur la sensibilité. va a tous ceux qui relévent comme moi de la loi. Les dispositions égoistes sont plus communes et plus fortes que les atruístes et risquent davantage de nous aveugler sur la vérité . I'usage de la lib.rté d'un étre raisonuable en général. pour mettre en mouvement la volonté mais 1ose simplement une loi qui trouve d'elle-mem: accés dans l'áme et qui cependant gagne elle-méme malgré nous la vénération . que par le sentiment du respecto L'action moralement bonne. mais qU1 reclames la soumission.Ce qui importe done a la moralité de l'agent moral. Les pages de la Critique consacrées au sentiment du I • pect (chap. qui est posée par la présence du devoir. c'est de savoir mettre a par~ d~s. qui est en nous tous. par exemple. c'est celle qui ne se laisse déterminer : - objectivement. .. non point nécessairement (~) Kant avait dit déjá dansla Critique de la raison pure :« .. c'est-á-dire tout autre mobile que celui qlll cst de provenance rationnelle : le respect (1). 2e question).Y ~ réeIlement des lois morales pures qui déterminent pleinement a priori . . et de lui obéir dans la pratique. de science poussée.. maís encore le jugement moral de tout homme quand iI veut penser clairement une teIle loi » (He Partie. Sa moralité est constituée par sa forme et non par sa matiére. rien qui implique insinuation. La bonne volonté est ainsi a notre portée a tous. de subtilité.d'agréable. Cela est accessible a la conscience d'un enfant des que s'ouvre sa raison. 11 suffit d'avoir cette faculté de l'universel qui s'appelle la raison.. dit Kant. Cela e~t inscrit lisiblement dans la conscience commune. le « bon sens populaire ». Je puís a bon droít supposer cette proposition. H. chap. . de ca1culs savants. toi qui ne renfermes dc~ en ~oi . La volonté bonne. et que par conséque. La raison est la faculté de l'universel. subjectivement.I'admets qu'il . Ir Appel a une PHILOSOPHIE pratique. régissant moi et les autres.. présence impliquée dans la bonne volonté au ceeur méme de la conscience commune : trouver la racine de cette noble tige. point n'est done besoin de perspicacité infaillible.voilá ce qui fait la honté de la bonne volonté. Et tout éducateur de bon sens saura éveiller sa conscience par cette simple question : Veux-tu que tout le monde agisse ainsi ? Es-tu raisonnable en agissant comme tu ne voudrais pas qu'agissent les autres ? As-tu raison de vouloir pour toi une exception ? Pour que la volonté soit bonne. si je me trouve dans l'embarras. c'est l'action voulue par une volonté bonne. quelle origine est digne de toi et oü trouve-t-on la racine de ta noble tige ? » Ce sera précisément la tache d'une « métaphysique des moeurs » et d'une « critique de la raison pratique » de répondre a cette question. des qu'elle exclut de ses déterminations les QUE DEVONS-NOUS FAIRE III1l ? 25 ilcs sensibles. mobil~s d'origine sensible le seul mobile qui soit d ongine ratronnelle. la « raison vulgaire ». de me tirer d'affaire par une promesse fallacieuse ? 11 me suffit de me demander si je pourrais admettre que la maxime de cette action prit la valeur d'une loi universelle. La raison vulgaire est ici compétente. qui cependant ne menaces de rien de ce qui éveille dans l'áme une aversion naturelle.. Tout étre doué de raison est capable de volonté bonne. M'est-il permis. en invoquant non seuIement les preuves des moraIistes les plus célebres. La bonne volonté n'agira done que d'aprés une maxime ~versalisable. afin. et que ces 100S commandent d une maníére absolue . III de l'Analytique) se terminent par l'aposphe célebre : « Devoir ! nom sublime et grand. .ut eIles sont a tous les points de vue nécessaires. que par la loi morale . Je vois aussitót qu'il n'en est rien.24 LA MORALE DE KANT d'autrui . et que par conséquent cette action est mauvaise. et de discerner la distinction non moins essentielle qui en résulte concernant le mot objeto a) Sous le mot sujet. d'oü le besoin. déterminé celles de la connais- QUE DEVONS-NOUS FAIRE ? 27 nc ))(Alquié. qui est membre du « regne des fins )). concernant le mot sujet . La dualité humaine s'exprime précisément par ce double sens du mot sujeto Cette distinction. . subjectivement. « l' Unité du Je pense». qut ne cessent d'exiger la soumission des mobiles subjeclifs a la loi morale objective. et que c'est du cóté du sujet de la connaissance que doivent étre cherchées les formes réceptives. I1 n'y a la cependant aucune contradiction. la moralité a son principe. le langage de Kant. comme il vient de le faire déjá. soit aux actions humaines par l'impératif catégorique. que par le seul sentiment du respect pour cette loi. Introduction a la traduction Picavet de la (. Dans ce qui va suivre. c'est le sujet humain envisagé par son cóté sensible et appartenant au monde sensible. 11va notamment nous dire que la loi détermine « objectivement )) la volonté. a sophistiq~er ~on~re la reg:e du devoir pour 1'accommoder aux inclinations sensibles .Le . les formes constituantes et les idées régulatives de la connaissance. ' essentielle chez Kant. p. soit a la nature par les catégories et príncipes de l'entendement. d~s la Critique de la raison pure. dans le Sujet. est aussi sollicitée d'un autre cóté (et méme d'abord) par les mobiles sensibles. Rien de plus juste que de soutenir que.la Grundlegung et de la Critique de la raison pratique. de passer a une philosophie pratique . r. et ~ue t~ute la docttine morale kantienne se propose de « déterminer les conditions subjectives de la moralité. Pour en écarter l'apparence. est capitale. de s'approfondir. son fondement. et.. sollicitée d'un cóté par la raison. 1'esprit. VI). cette facon de caractériser la philosophie kantienne p urrait sembler contredite par les affirmations répétées 1 .Pour comprendre.sujet transcendantal est le sujet rationnel pur. chére a Kant.'ritique de la raison pratique. qui aPI?artlent au regne nouménal. d'apres la Critique de la raison pure. Remarque. Kant va opposer sans ~ess~. du monde sensible et du . du temporel et de l'éternel. il importe de ne pas confondre le sujet transcendantal rationnel et le sujet individuel humain envisagé par son cóté sensible et empirique. on peut ca~actérise~ 1'~u~re entiere de Kant comme étant une réflexion et méditation vers le sujet spiritue1. Mais comme notre volonté humaine. mais de n'admettre que ce dernier a présider souverainement a la détermination de l'action. par une « dialectique naturelle )). Et plus généralement. e~e court grand risque de se laisser entrainer. comme il avait. Elle signifie que c'est en l'homme méme que passe la ligue de démarcation et d'articulation du physique et du métaphysique. par la suite.vers une métaphysique des mceurs. La bonne volonté vient d' étre définie comme la volonté qui ne se laisse déterminer. il suffit de rappeler une distinction . Le sujet individuel et empirique. selon Kant. au « monde intelligible )). ./ 26 LA MORALE DE KANT de détruire tous les autres. l'objectij et le subjectif. pour la « raison vulgaire )). tandis que les maximes sont des principes « subjectifs ))de la détermination de la volonté. i1 n'est d'autre objet connaissable que l'ordre spatio-temporel des phénomenes. que par la loi morale. une remarque de vocabulaire s'impose ici. Et la suite va redire que la moralité est constituée par la soumission des maximes subjectives a la loi morale objective. Ces termes pourront surprendre si 1'on considere que. objectivement. et qui impose sa légalité rationnelle. car l'homme y est partiellement compris et c'est en l'homme méme qu'est ~it~ée ~a voie de passage... en cette métaphore.. selon Kant. larg~ent engagé dans le milieu aquatique. et en ce sens.••. La dualité humaine est celle du sujet l~dlviduel. et du Sujet transcendantal. c'est-a-dire pour maximes. de la rais. et l'objectivité c'est. avec la téte (entendons : la. mais commence. la Critique de la raison pure écarte un idéalisme empmque (celui des Protagoras ou des Berkele~). Et c'est a la lumiere de cettememe distinction que devra étre comprise.LA MORALE DE KANT 28 monde intelligible. et pour s'élever. régissant universellement tout étre raisonnable. l'ordre nouménal concu par la pure raison. des principes susceptibles de revétír une valeur objectiue e'est-á-dire unioerselle • (G1". en I homme. ~I ne faut pas dire que }a métaphysique. Par Opposluon au su!et transcendantal il désigne l'ordre phénoménal spatiotemporel. de l'ordre phénoménal et de l'ordre transcendant. b) Le mot objet. membre du monde íntelligible et du regne des fins. la justification de l'impératif catégorique par le concept de la liberté. s'entendre. la (1) On nous pennettra une métaphore. mais en émergeant par la tete -:' la surface de I'eau représentant.cceur (entendons : de la sensibilité).' ·i~. qui font consister la moralité dans la soumission de la subjectivité (sensible et empirique) a l'objectivité (rationnelle et transcendantale). Exemples : La loi de l'action nous prescrit « de prendre pour régles subjectives de notre conduite. La subjectivité dont il s'agit est celle du sujet humain individuel.).": . comme nous le verrons. le terme objectivité désigne l'ordre rationnel universel. ~~lt par oPP. L'homme ress. Ce n'est pas en quittant l'homme que l'on entre dans l'ordre métaphysique. empirique et sensible. prat. par opposition a cette subjectivité. un double sens. la démarcatíon du sensible empirique et de l 'intelligible transcendantal. Il n'y a done aucune contradiction entre l'affirmation qui caractérise la philosophie de Kant tout entiére comme une réflexion vers le sujet (transcendantal) soumettant et la nature (par les catégories) et l'action (par l'impératif catégorique) a la loi du « [e pense » transcendantal .. •. des lors (toujours corrélatif au mot sujet). • Dans la déduction. ~ QUE DEVONS-NOUS FAlRE ? 29 nature. dans la Critique de la raison pratique. Le mot objectij signifie alors universel. comme lui.ce~dantal ~e.~. dans I'atmosphere ou la tete respire.. a.et les affirmations répétées de la Grundlegung et de la Crit.emble a un nageur. (1) Cette signification est d'ailleurs précisée explícítement par certains textes de Kant. valable pour tout étre raisonnable (1). celle de la loi rationnelle pure.et s étend au-dessus de la tete de l'homme . au-dessus du .. partie de l'ordre phénoménal et du mon~e sen~l?le. Il peut. L'analyse régressive de la Grundlegung et la déduction transcendantale de la Raison pratique emploient généralement dans ce deuxieme sens les termes subjectij et objectij.-. ralso?). au-dessus de la téte. . Il faut entendre par la que l'idéalisme tr~n.~~~ ~:7.osition a la subjectivité sensible. 3" sectíon «De J'íntérét qui s'attache aux idées de la moralité . soit par opposition au sujet transcendantal. Mais par opposition a la subjectivité sensible.dlegung. et s'imposant sous la forme d'un impératif catégorique a la volonté ambigué d'un étre a la fois raisonnable et sensible comme l'homme. citoyen de la cité de Dieu (1). l'objet de la perception et de la science. c'est des catégories et príncipes du sujet rationnel transcendantal que la nature recoit sa légalité objective (sa Gesetzmássigkeit'y. commence . . C'est a la lumiere de cette distinction que devait étre comprise la these en vertu de laquelle la philosoph~e spéculative de la Critique de la raison pure se présentait comme une réfutation décisive de l'idéalisme.•. ~ " :::~ :~ ••.. (du princi pe supréme de la raison pure pratique) c'est-á-díre dans la justification de la valeur objectiue et Imiver: . La loi morale est done une loi a priori de la raison. Autrement dit. et la juge. est d'avoir c?nstitu~ la théone de l'objet ídéal. I.rience l'action. 103. « L o:.si profondément diffé~ente de l'obiectivité des objets de la science .bref.LA MORALE DE KANT 3° § 2. « Méme le saint de l'Évangile ne peut étre reconnu pour tel qu'á la condition d'avoir été comparé a notre idéal de perfection morale.ut. dit Lavelle. la rendre visible. la loi ne . et que cette apriorité est inscrite dans la conscience commune. p. a une telle volonté. La formule d'un commandement s'appelle un impératij. déterminable rationnellement par la loi morale. serait possible entre cette thése kantienne de l'obiectivité de la loi morale . Un certain rapprochement. donner occasion de I'apercevoir. et dont par conséquent la volonté. Partie.. rien n'est plus faux que la prétention de tirer la 'oi d'exemples. mais pour illustrer la loi. Les meilleurs exemples ne valent que paree qu'ils sont éclairés et justifiés par la loi. les s~l!e de ce prin?pe et d~sl'~amen de la possibilité d'une te1le propositien synthétique a priori . 10 Position de l'impératij catégorique La cIaire antithése posée par la conscience commune entre ce qui est et ce qui doit étre signifie que la loi moral e est a priori.•• (Grit. Mais si maintenant nous supposons un étre raisonnable qui ne serait pas que raisonnable. qui se trouve implicitement inscrite déjá dans la conscience commune. Aussi. mais qui serait aussi sensible. I. montrer qu'elle est praticable. de la r. dont la raison déterminerait seule et immédiatement la volonté. Aussi bien dit-il de lui-méme : Pourquoi m'appelez-vous bon (moi dont vous voyez l'exemple) ? Nul n'est bon (n'est le type du bien) que Dieu seul (que vous ne voyez pas).) QUE DEVONS-NOUS FAlRE ? 31 exemples sont utiles. A une volonté qui ne serait que raisonnable. partie de la conscience commune . dont la subjectivité particuliere ne serait pas infailliblement en accord avec l'objectivité universelle de la loi de la raison . chap. » (Traité des ualeurs. serait déterminable aussi par des mobiles sensibles.. prat.alors. morale authentique. objectivité de I'Irréel. « d'établir par expenence avec certitude un seul cas OU la maxime d'une a~on . liv. t.ait reposé uniquement sur la représentation du devoir ». la volonté subjective serait infailliblement en accord avec l'objectivité universelle de la loi rationnelle. libre d'exístence . D'ailleurs..action du reste conforme au devoir . il est impossible de prendre sur le fait dans l'ex~é. la loi se présente comme un commandement venant d'une raison transcendantale et universelle et s'adressant impérativement au sujet empirique individuel. I. . Ir. Car la valeur et le choix des exemples présuppose la loi. ~év~opper MErnONG « über Gegenstdnde hiiherer Ordmmg ». )) C'est l'idée de la pure perfection morale qui permet de reconnaítre la valeur du modele. valable pour tous les étres raisonnables. mdépendante des sentiments qu'un sujet individuel pourrait lui-méme éprouver. va mamtenant procéder a une induction transcendantale ' dégageant la métaphysique des moeurs. § I). peut-étre.et la théorie que dev.gmalité la 'plus grande de Meínong. c'est-á-dire bono Pour un tel étre. Certes. Si nous supposons un étre raisonnable qui ne serait que raisonnable. mais lui est logiquement antérieure et supérieure. la loi qui prescrit ce qui d~it étre n'est pas dérivée de l'expérience..et c'est la le cas de l'homme . la volonté d'un tel étre ne choisirait jamais que cela seulement que la raison considere comme pratiquement nécessaire. inciter a la suivre. PASSAGE DE LA CONSCIENCE COMMUNE A LA MÉTAPHYSIQUE DES M<EURS L'analyse régressíve. quand elle affinne une nécessité. pure : Une proposition est dite catégorique quand l'affirmation (ou la. ce cercle est rouge. . Un impératif suppose done l'imperfection subjective de la volonté de tel ou tel étre raisonnable . jugement·synthétique. sans rapport a un but. assertorique. a la fois raisonnable et sensible. si l'on veut. VIALATOUX 3 . de respirer dans l'eau. I'étre a la fois raísonnable et sensible. d'un impératif. c'est une regle de l'habileté) . Ex. Une proposition est dite problématique. apodictique. C'est la regle. I1 est apodictiquement pratique.32 LA MORALE Dll KANT s'adresse done pas sous la forme d'un impératif. fais ceci. et caractérisent le rapport d'une loi rationnelle objective a une volonté subjective imparfaite. jugement analytique. mais de la moralité. et doué de volonté. C'est pourquoi les mots impératif et devoir ne conviennent pas lorsqu'il s'agit d'une « volonté sainte ». La loi de l'un est de respirer dans l'air . de la r. tu veux étre heureux. soit a des fins réelles (l'impératif hypothétique est alors assertoriquement pratique : puisque. c'est-á-dire d'expliquer son caractere obligatoire pour la volonté. c'est-á-dire conforme entierement et sans partage a la Raison universelle ou divine. la raison présente sa loi sous la forme d'un impératif s'adressant a une volonté susceptible de se dérober a la loi de la raison pour céder aux inclinations de la sensibilité. et supposons que sa raison (pour une raison ou une autre) Iui fasse une loi. s'adressant a sa volonté libre. non infailliblement déterminée par cette loi. subordonnent leur prescription a des fins supposées comme conditions : soit a des fins possibles (l'impératif hypothétique est alors problématiquement pratique : si tu poursuis telle fin. Pour les impératifs hypothétiques. quand e1le affinne une exístence de fait .de la volonté humaine par exemple (1). n'aura pas a commander au premier de respirer dans l'air. Tous les impératifs s'expriment par le verbe devoir. et Kant s'en acquitte sans plus tarder. non plus de l'habileté. non plus de la prudence. La loi de l'un ni de l'autre ne régíra point sa volonté sous la fonne d'un impératit. en sorte qu'il suffit d'analyser l'idée méme du sujet pour y trouver a priori l'attribut. négation) qu'elle exprime n'est pas subordonnée a une condition ou hypothése. Les impératifs commandent catégoriquement (2). b) L'impératij catégorique déc1are l'action objectivement nécessaire en elle-méme. L'amphibie de ce mythe représente symboliquement l'homme. La volonté qui veut une fin veut par cela méme les moyens possibilité. J. de ne respirer que dans l'air : alors cette loi prendra pour sa volonté la fonne d'un commandement. ou hypothétiquement ou (1) Qu'on nous pennette une métaphore. quand elle affinne une QUE DEVONS-NOUS FAIRE ? 33 a) Les impératijs hypothétiques déc1arent l'action pratiquement nécessaire comme moyen si la volonté se propose telle ou telle fin. : Le cerc1e est rond. c'est une regle de la prudence). ou. Un jugement est dit analytique lorsque l'idée de l'attribut est nécessairement contenue dan s l'idée du sujet (fait partie de sa compréhension essentie1le). Le jugement est dit synthétique lorsque l'attribut est ajouté a la compréhension essentielle du sujet.et des lors. ne fais pas cela. Comment cet impératif est-il possible ? La tache de la critique sera de le justifier. en fait. des ce seuil de la métaphysique des meeurs. cela n'offre pas de difficulté. le probleme critique. la loi de l'autre. un mythe : Supposons un oiseau et un poisson doués de volonté. Mais supposons maintenant un amphibie susceptible de respirer dans l'air et dans l'eau. prends tel moyen. et au second de respirer dans l'eau. (2) Rappelons id les définitions de quelques termes. Elle est dite ltypothétique dans le cas contraire. Mais a la volonté ambigué d'un étre double comme I'homme. contenues dans la Crit. sans y étre pré-contenu. leí commence a se poser. L'impératü hypothétique . la loi quí n'll. 626). abandonne la fin ». C'est que les éléments du concept de bonheur sont empruntés a I'expérience. C'est pourquoi l'impératif catégorique qui m'interdit de vouloir ce moyen m'interdit du.. ainsi poursuivie et obtenue. Le concept de bonheur. c'est que l'on ne peut uouloir-la-fin-sans-le-moyen.e d'indiquer eomment on peut se rendre d~gne d etre heureu» ( die Würdigkeit glüeklieh zu sein). ou bien. tu dois vouloir le moyen . dans la circonstance presente.Si l'on ne veut pas ce moyen. pour une raison ou une autre. Un étre fini ne peut se faire une idée exacte de ce que cela comporte. Habileté ou prudence. l'impératif hypothétique retoume aussitót son commandement : si tu veux la fin. méme cowp de oouloir-cette. si tu ne veux pas le moyen. veux le moyen » a pour eontrepartie inévitable l'impératif hypothétique (qui lui est identique) « si tu ne veux pas le moyen. On peut certes désirer une fin dont on ne veut pas le moyen (par exemple. La premíére conseille ce que nous avons a faire si nous voulons arriver au bonheur. mais cela ne change (1) Kant consacre a ce point un développement dont nous retrouverons plus loin l'íntérét.solue et non point simplement hypothétiquement sous la suppositíon d'autres fins empiriques » (p. étant indéterminable pour notre raison. De la vient que les impératifs de la prodence sont plutót des conseils que des commandements de la raison. alors que ce concept implique l'idée d'un tout absolu. eette fin eesse d'étre bonne. Le tout ne fait qu'un : cela revient a dire que la proposition est analytique. la seconde commande la maníére dont nous devons nous comporter pour nous rendre seulement dignes du bonheur. (1) Qui veut la fin veut les moyens. Justifier la possibilité d'un impératif hypothétique n'est done pas un probléme difficile (1). Objectera-t-on encore que le rapport du moyen a la fin est un I r j . cet impératif commande : tu dois (hypothétiquement) renoncer a cette fin. sans vouloir le moyen qu'exigerait. . La volition du moyen se déduit analytiquement de la volition de la fin. objets de conseils plutót que de préceptes (1)..pour mobile qu. dit-il. ear. . e la fin ne justifiant pas toujours les moyens • ? Ce serait jouer sur les mots. n ne faut pas confondre vouloir et désirer. le tout ne faisant qu'un. et de l'impératif absolu de la moraliié. Il en va de méme pour les impératifs de la prudence. Cela est clair pour les impératifs de l'habileté : la « contrainte )) prescrivant le moyen est analytiquement contenue dans le vouloir de la fin. par exemple paree qu'il vous répugne. mais sans importance ici) que la fin visée.. s'il en existe. « si tu veux la fin. l'impératif hypothétique commande a celui qui veut la fin de vouloir le moyen. mais qui exige ce moyen. est si indéterminé que.b. désirer le salut de la vie de la mére. c'est-á-dire les causes naturelles qui ont pour effet cette satisfaction). C'est la une proposition analytique : l'impératif ne fait que dégager de l'idée de la volition d'une fin l'idée de la volition des moyens qu'elle exige. avec cette différence (importante a d'autres égards. s'il ne veut pas le moyen. ce salut : tuer l'enfant par l'embryotomie). La Critique de la raison pure avait déjá formulé expressément la distinction de l'impératif hypothétique ou relatif de la prudence. Dans le cas oú c'est un impératif catégorique qui oblige a ne pas vouloir le moyen. La premíére se fonde sur des principes empiriques (c'est l'expérience qui fait connaítre et les penchants et les moyens naturels de les satisfaire. n y a des lois morales pures qui déterminent pleinement a priori le [aire et le ne pas [aire . Objectera-t-on qu'on peut bien vouloir une fin sans cependant vouloir un moyen qu'elle exige. ne comporte que des moyens peu précis. en effet. QUE DEVONS-NOUS FAlRE ? 35 pas la nature analytique de cet impératif hypothétique. de renoncer a la fin exigeant ce moyen.I 34 LA MORALE DE KANT que la raison lui indique. Si le refus du moyen entratne le renoncement a la fin. viciée qu'elle est par le vice du moyen. et morale (ou loi des moeurs). La volition de la fin ne peut étre séparée de la volition du moyen paree que la proposition « qui veut la fin veut les moyens D est une proposition analytique. L'impératif hypothétique est bien une proposition analytique.il faut renoneer a la fin. La seconde fait abstraction des penchants et des moyens naturels de les satisfaire. c'est-á-dire l'usage de la liberté d'un étre raisonnable en général. n me faudrait une Science infinie pour déterminer certainement ce qni peut me rendre heureux. paree que tu deis (eatégoriquement) ne pas recourir ti ce moyen. et ne considere que la liberté d'un étre raisonnable en général . le bonheur. et ces loís commandent d'une maníére B. ou enfin paree que cet acte est interdit par un impératíf catégoríque (la máxime de eette aetion ne pouvant étre érigée en loi universelle de la nature. tu ne dois pas uoutoir la fin que tu peux désírer.finpar-ce-moyen . « J'appelle pragmatique (regle de prudence) la loi pratique qui a pour motif le bonheur. . ou paree qu'un intérét quelconque vous incite a conserver cet enfant. en dépit du désir que nous avons tous d'étre heureux. personne ne peut dire ce qu'il désire absolument pour l'étre. ou consistant a traiter la personne de l'enfant simplement comme un moyen). a une volítion présupposée qui l'inclut logiquement. mais a une loi de la raison. puisqu'il lie un vouloir. puisqu'il est rendu possible par l'expérience (ce cercle est rouge). pour une raison que1conque. 11 ses yeux. je ne puis vouloir cela sans vouloir cecí. en effet. que cette finalité implique une causalité (un moyen étant une cause dont on dispose. en d'autres termes. et la juge. Ceci étant le moyen de cela. L'impératif catégorique. Et il est synthétique. Formulation de l'impératif catégorique : la formule-mére (ou principe formel ) et les formules-dérivées vers l' action humaine 20 L'impératif catégorique est le commandement absolu de la raison. du jugement de finalité liant le rapport moyen-¡'in ? . pratique : cornment un impératif catégorique est-il rapport de cause a eUet. un jugement synthétique. Cornment un te! impératif est-il possible ? La difficulté d'un te! probleme vient de ce que cet impératif constitue une proposition a priori et synthétique. eeci étant mauvais (de par un impératif catégorique). Quelle est done l'exigence absolue de la raison ? . est a priori. si. Cela serait bon. de la r. non plus a son propre contenu. Il s'agira done de résoudre un probleme tout semblable au difficile probléme qu'avait eu déiá a résoudre la Grit. et de procéder maintenant a une formulation explícite de ce cornmandement de la raison pratique qu'est l'impératif catégorique . Et dans le cas oú c'est un impératif catégorique qui m'interdit devouloir ceci. pour Kant. le jugement de causalité qui lie le rapport cause-eff et étant. QUE DEVONS-NOUS 1 FAIRE ? 37 possible ? Car un impératif catégorique est une proposition synthétique a priori de l'ordre pratique. En sorte que. Ce rapport (synthétique) une fois connu. il importe de poursuivre et de mener a bien cette analyse. mais au contraire est logiquement antérieur et supérieur a l'expérience. et dois done renoneer 11 cela. mais a une volonté raisonnable universelle. obtenu autrement. je ne veux pas ceci. . et quí a pour effet une fin qu'on se propose) ? Et fera-t-on observer alors que. de la r. cela-parceci est mauvais. Une question ardue analogue se posera a la Grit.LA MORALE DE KANT Mais il en va tout autrement pour l'impératif catégorique. qu'un jugement analytique soit possible a priori. le vouloir de son second terme implique (analytiquement) le vouloir du premier. Cornment cette proposition pratique synthétique a priori est-elle possible ? Ce probleme releve de la critique. Mais. et la critique de la raison pratique qu'il s'agit de préparer.tache qui intéresse tout a la fois et la métaphysique des meeurs qu'il s'agit d'achever. Mais comment sont possibles des jugements synthétiques a priori dans l'ordre spéculatif? La Grit. puisqu'il n'est tiré d'aucune expérience. puisqu'il est analytique (le cercle est rond). analytiquement. avant d'entreprendre de la résoudre. ou qu'un jugement synthétique soit possible a posteriori.Au point oü nous en sornmes de l'analyse régressive qui est en train d'expliciter les implications métaphysiques de la conscience commune . et afin méme d'en préparer et orienter la solution.Mais ce serait confondre la connaissance de ce rapport avec le uouloir de l'action indivise qu'il implique. non plus. il s'ensuit analytiquemeni que je ne dois pas oouloir-cela-par-ceci. ni renoncer 11 ceci sans renoncer 11 cela. puisqu'il líe la volition d'une action.c'est-á-dire de passer de la raison populaire a la métaphysique des moeurs nous voyons bien se dresser cette question critique. de la r. il devrait en étre de méme. pure : comment des jugements synthétiques a priori peuvent-ils bien étre possibles ? On concoit aisément. en effet. mais. pure avait a résoudre cette question ardue. L'impératif hypothétique est bien analytique. je ne puis vouloir cela. S'il s'agissait d'un impératif hypothétique. son commandement serait déterminé seulement par la condition .le « si ». ne vient de l'expérience.c'est-á-dire qu'elIes soient universalisables . trop loin de nous. Nos maximes devront étre telIes que nous puissions vouloir qu'elles soient érigées en lois . A) La formule-mére. en cette formule.LA MORALE DE KANT C'est L'UNIVERSALITÉ. Une maxime peut étre contraire a la loi morale. une regle qu'un sujet individuel adopte pour lui-méme. » Ríen. tout en pouvant se déterminer par la loi rationnelIe universelle. de la rapprocher « de l'intuition et par la du sentiment» (2). par conséquent. . et de l'engager dans la nature. Une maxime est « subjective » (1). autre chose que l'universalité de sa loi. (2) DELBOS. . Le but qu'il se propose ici (il nous le dira lui-méme apres chose faite. La loi. Mais l'impératif catégorique. si un homme d'affaires adopte pour maxime de ne prendre en considération. B) Les jormules-dérivées.car le propre d'une loi (qui définit son « objectivité ») c'est son universalité. qu'il vient de formuler. Mais elIe est le príncipe formel de tous les devoirs.De cette formule-mete. d'agir. lorsqu'elle s'adresse a un étre raisonnable qui est aussi un étre sensible. de lui donner « un acces plus facile dans nos cceurs ». Car l'universalité est le caractere essentiel d'une loi. Il ne reste done. c'est une regle subjective d'action. est un príncipe ({objectif » universel. sans contenu matériel. Grundle- .) Cela précisé. . « Loi universelIe ». que son intérét individuel et son profit. mais disons-le d'avance) c'est de ne pas laisser la loi morale rationnelIe. comme l'homme. peut aussi se laisser déterminer par l'incIination sensible particuliere. ElIe n'est que formelle. c'est la un pléonasme.dont il dépend.ou si un parti politique adopte pour maxime de prendre le pouvoir et de le mettre a son profit particulier par tous les moyens. (Nous savons qu'elle prend forme impérative. Une maxime. et selon laquelIe il se propose. il importe de ne pas confondre maxime et loi. Mais il a a vouloir bien nous faire part de maximes subjectives partículíéres. Par exemple. dont [e veux bien vous [aire parto » I1 n'aurait pas a « vouloir bien nous faire part » d'une loi objective universelle. et la nécessité morale pour la maxime (príncipe subjectif d'action) de s'y conformer. Pour bien comprendre cela. pour son propre compte. valable pour tout étre raisonnable. lui. dans la haute région purement intelligible et nouménale des « étres raisonnables». Non pas en ce sens qu'on en puisse déduire nos actions elles-mémes en ce qu'elIes ont de matériel. mais en ce sens qu'elIe permet de déduire les maximes d'oü doivent procéder nos actions pour étre morales. - QUE DEVONS-NOUS FAIRE ? 39 Une maxime régit le sujet individuel qui l'adopte. la formule-mere devient claire. D'oü cette formule-mere de l'impératif catégorique : « Agis uniquement d' aprés la maxime quijait que tu peux vouloir en méme temps qu'elle soit une loi universelle. qui ne se composait que de trois ou quatre maximes. au contraire. Kant déduit aussitót trois formules dérivées. pour déterminer le commandement de l'impératif catégorique. ne contient que la loi. la volonté. mais de l'incliner aussitót vers nous.La loi de la raison commande done absolument que la maxime de l'action soit universalisable.dans son Introduction a la traduction de la. en affaires. et dont. Tandis que la formule-mete exprime la (1) Telles les maximes de la morale provisoire de Descartes: • Je me formai une morale par provision. hommes dans le monde. b) Violation d'un devoir strict envers autrui : la fausse promesse.\ LA MORALE DE KANT QUE DEVONS-NOUS FAIRE ? 41 loi morale en elle-méme. Aussi. . déterminés. par la forme tempore1le. . entreprenant. tout en poursuivant l'analyse régressive par laque1le va se déce1er l'autonomie et avec e1lela liberté. (1) Stricts = partaitement ment détermiués. au cours de cette régression analytique. indique déjá. c'está-dire soit ínsérable. Ce point ne devra pas étre oublié. devoirs stricts envers autrui . c'est encore la formule-mére elle-méme.Réduit au besoin d'emprunter.Puis-je abréger volontairement ma vie par formule. ou dont je sais que la restitution me sera probablement impossible ? La maxime de cette action n'est pas universalisable sans contradiction. C'est pourquoi. . un peu comme la catégorie. toute déraison. théátre de l'action. entrant en action. devoirs larges envers autrui (1). a fait remarquer l'ambivalence de ce passage de la Grundlegung. puis par la forme spatiale. puis-je recourir a la promesse fallacieuse de rendre l'argent prété que je n'ai pas l'intention de rendre. La raison constituante se penche ici vers une nature a constituer (1). d'étre comprise avec elles. Kant propose ici quatre exemples. elle abolirait aussitót la confiance qu'elle suppose. devoirs larges envers soi-méme . mais inclinée cette fois vers la constitution d'une nature. vers l'intuition sensible sur laquelle elle mord. car une nature dont la loi serait de détruire la vie en vertu du sentiment subjectif qui est ordonné a sa conservation se contredirait ellemérne et n'existerait done pas comme nature. amour pour moi et pour me débarrasser d'une vie douloureuse ? La maxime de cette action ne peut devenir loi universelle d'une nature. Son príncipe formel (l'universalité) s'appréte a mordre sur une matiére. Cette premiére formule dérivée signifie done que chacune de nos actions devra étre telle que la maxime d'oü elle procede puisse étre érigée en loi d'une nature. l'embranchemcnt des déductions de la métaphysique des mceurs aux actions jetées dans le monde de la nature par la liberté. par la médiation du schéme. chacune de ces formules (que nous pourrions appeler des formules d'engagement) ne pourra-t-elle étre bien comprise qu'á condition de n'étre pas isolée des autres. intégrable dans un systeme régi par des lois universelles. universalisée. c'est un systeme d'objets régi par des lois universelles et nécessaires. qui. - Larges = imparfaite- . si l'on peut dire. puisque. Une nature. vers l'insertion de mon action dans une nature. dans un ordre exc1uanttoute contradiction. se glisse. pris dans chacune des quatre grandes c1assestraditionnelIes de devoirs : 10 Agis comme si la maxime de TON ACTION deoait par ta volonté étre érigée en loi universelle DE LA NATURE. et dans son ouvrage sur La philosoPhie pratique de Kant. par cette formule. gung. de faire arriver son regne sur la terre comme au ciel. (1) L'impératif catégorique.remarquons-le bien. ces formulesdérivées s'impliqueront mutuellement et seront inséparables.Cette a) Violation d'un devoir strict envers soi-méme : le suicide. dans la raison spécu1ative. indissociables les unes des autres. les formules-dérívées vont exprimer l'impératif catégorique de la loi morale s'engageant dans la nature. - devoirs stricts envers soi-méme . s'engage dans la nature. n'étant que des expressions diversifiéeset ramifiées d'un seul et méme impératif catégorique qui entre en action dans la nature et s'y trouve aux prises avec ses résistances. paree que. cette condition.valable aussi pour moi comme patient. . nous verrons bien ce que nous voulons et ne (1) SCHOPENHAUER. universalisée. chap. Schopenhauer n'a pas manqué de reprocher cette faute l'oisiveté. Ce ne sont pas des regles d'habileté prescrites par une raison calculatrice servante de l'intérét égoíste mais des regles de moralité prescrites par une raison universelle et souveraine excluant du vouloir la contradiction. un impératif catégorique. la maxime de cette action ferait qu'on ne me croirait plus. ses talents naturels pour se livrer au seul plaisir : voilá une maxime de conduite dont l'universalisation pourrait peut-étre laisser subsister encore une nature une fois constituée (comme on voit subsister encore des peuplades incultes) . « La regle premiére. car. ou l'interdiction de mentir.c'est sous. - QUE DEVONS-NOUS FAIRE ? 43 a Kant. [e dois étre juste et charitable. et . d) Violation d'un devoir large envers autrui : refuser de secourir autrui dans le besoin. Kant fait remarquer que chacun peut vérifier lui-méme la vérité de cette premiere formule : car si nous faisons attention a ce qui se pass e en nous quand nous violons un devoir. . II. si tu veux a ton tour étre aidé au cas oü tu viendrais a tomber dans le besoin. Mais on ne peut vouloir sans déraison que cette maxime soit érigée en loi universelle de la nature.) Je ne dois pas mentir. mais bien en réalité un impératif hypoth~tique. subordonné tout simplement a I'égoísme. mais sans jamais les aider et secourir (máxime de justice négative sans charité positive) laisserait sans doute subsister l'espece humaine (et mieux méme qu'une sympathie ou une fausse charité dépourvue de justice). § 7. un vice de prmcipe de la morale kantienne. Le devoir de bienfaisance n'est pas dicté par un calcul d'égoísme. selon Schopenhauer. n'est pas. elle abolirait aussi bien l'aide que j'ai besoin de recevoir que l'aide que je refuse de donner.et le quatrieme exemple.L'universalisation de la maxime de conduite qui consisterait a s'abstenir seulement d'exploiter les autres. que je ne purs consentir a l'injustice et a l'insensibilité (1)) (a la violation des devoirs stricts ou larges envers autrui. prescrivant de secourir autrui afin d'étre soi-méme éventuellement secouru. selon Kant. par le besoin égoíste de pouvoir tabler sur la confiance d'autrui. Mais cette interprétation serait entierement fausse. La constitution d'une « nature » est incompatible avec une loi d'atrophie de ses puissances. . de Kan~ ~e fait qu'illustrer./ 42 LA MORALE DE KANT e) Violation d'un devoir large envers soi-méme Laisser incultes. comme dans les morales de I'intérét et les calculs avisés de Bentham. comme patient éventuel. en friches. car un étre raisonnable ne peut vouloir que la loi de facultés orientées vers toutes sortes de fins soit de rester sans développement. si je l'éleve au rang de loi universelle . ear il est au fond toujours subordonné a une condition sous-entendue : la loi qu'il s'agit de m'imposer comme agent devient. Ce dernier exemple semble se préter a une interprétation utilitaire : aide autrui dans le besoin. comme il ne cesse de le répéter. érigée en loi universelle. Il faut reconnaitre que certains textes mal rédigés de Kant semblent se préter parfois a cette interprétation. afín d'étre payé de méme monnaie. mais on ne peut vouloir raisonnablement qu'elle devienne loi universelle de la nature et regne en nous comme un instinct naturel. Le [ondement de la mora/e. En sorte que ce prétendu impératif catégorique ne serait au fond qu'un impératif hypothétique. d'une part. eomme on le fait trop souvent. dans le eommentaire de eette deuxieme formule. mais nous voulons une maxime particuliére pour nous. a l'aide de ees exemples.La volonté ne peut vouloir a vide. e'est l'impératif catégorique. peut bien. Seulement voilá : tout en eonsidérant les ehoses du point de vue de la raison pour affirmer la loi. L' homme maintenant (et e'est iei que la deuxieme formule se rapproche de nous). mais toujours en méme temps (zugleich) eomme fin en soi.) 20 « Agis de maniére el traiter l' humanité. nous voulons que la loi soit eontraire a notre maxime . par ee qui précede.nous l'attribuons avec raison a la volonté divine. en faveur d'un désir ou d'un intérét partieulier. ou plus précisément la justification de sa possibilité. Pour de telles fins. mais seulement dans des impératifs eatégoriques . relativement a= étres raisonnables qui sont dans le monde comme ses créatures. et de plus (ee qui est un grand point) le eontenu de l'impératif eatégorique. lequel appartient. Il ne faut pas omettre. étant un étre raisonnable. QUE DEVONS-NOUS FAIRE ? 45 Les fins des inelinations sensibles sont particuliéres et relatives. a ee titre. Kant a soin d'introduire id eomme une parenthese destinée a faire le point. (Aprés avoir développé. mais il ne doit jamais étre traité simplement (bloss) eomme tel. . Il ne faut done jamais le traiter simplement eomme moyen. Sans doute l'homme. posée par la raison. qui sont appelés par la nature eomplexe de l'homme. sans le traiter aussi et conjointement eomme fin. Une volonté bonne veut done eette fin-la. les mots bloss et zugleich.44 LA MORALE DE KANT voulons paso Nous ne voulons pas que notre maxime devienne loi universelle. nous permettant de faire exeeption a la loi. de la r. si le eoneept du devoir a une signifieation et eontient une véritable législation pour notre eonduite. (r) Dans la Crit. Il faut qu'elle ait un objeto L'objet d'une volonté se nomme une fin. II existe done eomme fin en soi et non pas seulement eomme moyen. que. eette premiere formule de l'impératif eatégorique. est une personne. il implique une fin posée par la raison seule et valable pour tous les étres raisonnables. KANT fait observer que cette condition . » . Il suffirait. Les étres raisonnables sont des personnes. aussi bien dans ta personne que dans la personne des autres. par laquelle seule ces créatures sont des fíns. jamais simplement comme un moyen. mais toujours en méme temps comme une fin. ou pour eette fois seulement. La fin d'une volonté raisonnable. au monde sensible (et par ee caté peut et doit servir). a préciser ee qui est établi et ee qui reste a établir. Il est établi. et au régne des fins (et a ee titre n'est pas exploitable). puísqu'elle repose sur la personnalité. nous eonsidérons notre action du point de vue de l'inclination pour nous permettre une exception a la loi. il ne peut s'exprimer dans des impératifs hypothétiques. Mais.ne jamais traiter la personne comme moyen . pratique. Elle ne peut étre autre que l'étre raisonnable luiméme (1). si un impératif catégorique est possible. la détermination de la volonté releve d'impératifs hypothétiques. servir comme moyen. Dieu nous traite comme des personnes. l'homme. les étres de la nature. pour apereevoir la eontradiction dans notre volonté. sont des choses. doit étre valable pour tous les étres raisonnables. étant aussi un étre sensible dans la nature. Elle veut quelque ehose. pour nous seulement. de eonsidérer les ehoses du seul point de vue de la raison. Mais ee qui reste a établir. Les étres dépourvus de raison. mais a la volonté des étres raisonnables en tant que raisonnables. Ce qu'on désigne assez couramment par 1'expression « théorie kantienne de l'autonomie de la volonté » doit étre interprété en ce sens. la loi morale qu'elle se donne !J. c'est a elle-méme qu'obéit une volonté raisonnable. Qu'en est-il alors pour 1'homme ? FAIRE ? 47 L'homme est double : étre raisonnable et étre sensible. il appartient de faire effort pour obéir !J. mais en méme temps nous en sornmes les sujets et non le souverain. Il la traite comme chose indifférente et sans valeur. L'autonomie est attribuée par Kant. il est autonome. membre de la puissance législatrice qui est la Raison. La volonté que Kant qualifie autonome. la loí. ou plutót sa volonté en tant que sollicitée par 1'inclination sensible. Sujet sensible. 2I3. son inclination sensible. prat.) . (Et nous pouvons remarquer que cette observation s'applique également au suicide altruiste.LA MORALE DE KANT Les exemples qui ont illustré illustrent aussi la deuxieme : la premiere QUE DEVONS-NOUS formule a) Celui qui veut se suicider veut disposer de sa personne comme d'un simple moyen pour cesser de souffrir. Une volonté dont la maxime ne lui permettrait pas de se considérer comme teIle ne serait done pas une volonté raisonnable. conformément a 1'inclination sensible. A la volonté réelle. dit la Grit. 30 Agis de telle sorte que ta volonté puisse se considérer comme étant elle-méme la législatrice de la loi universelle a laquelle eIle se soumet. rejeter présomptueusement 1'autorité de la loi sainte.) b) Celui qui fait une fausse promesse se sert de la personne d'autrui comme d'un simple moyen a exploiter pour satisfaire sa propre inclination sensible. En obéissant a 1'impératif de la raison. se considérer comme législatrice universeIle. e) L'oisif qui néglige de faire valoir ses talents ne traite pas sa propre personne comme une fin. Essai sur la morale d'Aristote. La volonté d'un étre raisonnable en tant que raisonnable est une volonté autonome. qu'il appeIle souvent « volonté pure ». des membres législateurs d'un royaume moral. Mais comme sujet raisonnable. et la volonté pure c'est la volonté des étres raisonnables en tant que raisonnables : « Nous sommes sans doute. sous peine d'une grossiere méprise. il est subordonné a la loi impérative . il est lui-méme auteur de la loi. Une volonté raisonnable peut. mais l' emploie comme moyen de jouissance. de la r. IlI). Par ce cóté l'homme est hétéronome. p. Par ce cóté. non point purement et simplement a l' homme. Cette troisiéme formule énonce l' autonomie comme principe fondamental de la moralité. c'est déiá faire défection a la loi en esprit. (liv. elle-méme la loi et est autonome. et méconnaitre notre position inférieure comme créatures. malgré l'obstac1e des penchants contraires . I. et un moyen devenu inutile.• (OLLÉ-LAPRUNE. la vótre ou la mienne. c'est la « volonté pure ». chap. quand méme on en remplirait la lettre (1). Le suicide altruiste consiste a ne se considérer et traiter soi-méme que comme un moyen pour les autres. doit se soumettre a la loi. » (I) « Kant appel1e volonté pure cel1e qui obéit te1lement !J. mais une te1le volonté est un ídéal. puisqu'il ne cherche pas a la développer. d) Celui qui refuse de secourir autrui refuse de traiter la personne d'autrui comme une fin en soi. qui est possible par la liberté et qui nous est représenté par la raison pratique cornme un objet de respect . en tant que raisonnable. Et ce n'est qu'en tant que raisonnable que la volonté est autonome.impliqué dans l'idée d'un impératif catégorique et dégagé par l'analyse régressive que poursuit la 2e section de la Grundlegung . et lui permet d'étre membre du régne : (1) Le phénoméne renvoie a quelque chose qui apparait (la« chose en soi » Ding an sích). comme l'homme. d'un « regne des fins ». Le régne des fins. et non pas seuIement de moyen. le quelque chose est quelqu'un. loi de raison. . C'est le regne de la dignité.et qui sera la « dé de voüte des deux critiques» : la liberté. Il ne faut pas confondre un prix et une dignité. une fin en soi.enveloppe lui-méme le principe d'oü se déduira synthétiquement (dans la troisieme section et dans la Kritik) la possibilité et la justification de l'impératif catégorique . a une dignité. La loi est l'ceuvre de la raison. du régne de la nature dans l'ordre phénoménal. Une chose a un prix quand elle peut étre remplacée par une autre équivalente. que l'affirmation de la rationalité de la loi. est un étre a la fois raisonnable et sensible. Il faut done. Il est analogue a une « cité de Dieu ll. s'il s'agit d'un étre purement raisonnable. et partant est au-dessus de tout prix. la chose en soi est une monade. C'est alors le régne du respecto 11 en est comme chef. c'est-á-dire d'un étre dont la volonté coíncide avec la raison et pour lequel.et s'il doit se traiter et étre traité comme fin en soi . la loi n'a plus a revétir la forme d'un impératif. Le prix est une valeur relative (hypothétique). . d'une personne. c'est-á-dire des étres raisonnables. Or. la loi recoit la forme d'un impératif. dans une monadologie leibnitzienne (1). L'affirmation de l'autonomie n'est autre chose. Kant dégage explicitement du principe d'autonornie l'idée. J.Kant nomme ainsi I'ordre autonome des sujets raisonnables. Le regne des fins est le regne des volontés affranchies de la nature.et pour lequel. VIALATOUX . Si. La cité des monades spirituelles seraít la cité de Dieu. L'autonornie n'est pas l'absence de loi : elle est l'intériorité rationnelle de la loi.QUE DEVONS-NOUS LA MORALE DE KANT Cette troisieme formule est impliquée dans les deux précédentes. ce qui fait d'un étre raisonnable. des lors. Le regne FAIRE ? 49 des fins est l'analogue. Mais lorsque. l'ordre des personnes. qu'il en soit le législateur en méme temps que (zugleich) le serviteur. La dignité est le caractere de ce qui a valeur de fin en soi. Mais ce qui n'a pas d'équivalent. Tout étre raisonnable est du regne des fins. 11 est régi par la loi morale. Si done un impératif catégorique est possible. il ne peut ordonner qu'une chose : agis toujours selon la maxime d'une volonté qui se prend elle-méme comme objet en tant que législatrice universelle. La dignité est une valeur absolue (catégorique).il ne peut pas sans contradiction étre símplement (bloss) au service de la loi universelle. Le regne des fins. en somme. pour que soit sauvegardée sa dignité de fin. c'est le regne des étres qui sont des fíns en soi. qui s'y trouve impliquée. car il ne serait alors lui-méme qu'un simple moyen. l'étre raisonnable ne doit agir que d'apres des rnaximes universalisables pouvant constituer par la une nature . dans l'ordre transcendantal. des lors. Ce principe de l'autonornie . 4 ! I 1. Mais avant de passer a cette déduction. et done auteur de la loi en méme temps que subordonné a la loi . en effet. 11en est comme membre (membre législateur) s'il s'agit d'un étre qui. observe I\L Ricceur. _ ~'¡¡'.~. "'" ''''''''~''''''''''--''. comme nous allons le voir. ne veut que oe qui est bon : il veut que nous pratiquions la vertu a cause d'elle-méme et non paree qu'Il l'exíge. sans définir la Volonté de Dieu elle-méme par des attributs moraux. une loi uníverselle dont relévent tous les sujets.¡iI _. elles ruinent l'impératif catégorique en le réduisant a des impératifs hypothétiques (2) et elles ruinent l'autonomie. Kant ne veut pas que le Devoir soit déduit d'une (1) « Combien u'est-il pas important d'apprendre aux enfants a haír le vice. ~•• _."1. qui fondent la morale sur la sensibilité (morales du plaisir. Un te! fondement est indéterminé ou arbitraire. en un mot. t. le bien et le mal pour la sensibilité. les sujets autres que moi . ne saurait étre déterminé si 1'on ne pose d'abord la loi morale et le devoir. Elles sont impuissantes a expliquer l'universalité et la nécessité (l'objectivtié) de la loi. » (KANT. et qu'il peut bien faire une exceptíon en leur faveur. car le concept de perfection.) (2) Dans la Critique de la raison pratique. le postulat d'une multiplicité. la deuxíéme. sans cela. 53.. et de l'opposition W ohl. chez Kant. non pas pour eette seule raison que Dieu l'a défendu. . d'un « régne Dde sujets. et. \ "'l': OP I 1 1 . Le Législateur supréme du regne de la nature et du regne des fins doit toujours étre concu comme jugeant de la valeur des étres raisonnables d'apres les exigences de la moralité. QUE DEVONS-NOUS FAIRE ? 51 par l'affirmation de Dieu pour affirmer ensuite la loi (1). voilá les seules choses qui aient de la elignité (1). Le fondement de la morale doit fonder l'autonomie. Traité de pédagogie. ils s'y laissent aisément entratner en pensant que cela pourrait bien étre permis si Dieu ne l'avait pas défendu. eliscerner dans le réel ce qui est bien et parfait. Comment.. p. . \~ .. On pourrait dire que le « sentiment du respect D. comme moí et avee moi. I'exístence d'autrui est.\. en tant qu'il a pour objet. 50-53 de la 6° éd. en méme temps que le postulat de la liberté du sujet. 1965. sans faire intervenir un principe moral d'appréciation? I1 serait arbitraire si l'on définissait le Bien moral par la « Volonté de Dieu ». de I'exístence d'autrui. Dieu. I'exístence d'autrtti (c'est-a-díre de l'autre comme sujet) est « un postulat. trad.La premiére conceme le bien et le mal pour la raison. a une importance capitale dans la philosophie pratique de Kant. Donnée ímplícite de la conscienee commune. avec le regne des fins. p.5° LA MORALE DE KANT autonome des fins. chez Kant (auprés du postulat de la liberté qui va étre explicité) un postulat (qui reste ímplícite) de la « Métaphysique des mceurs Den tant qu'e11epose un « régne des fins D. en effet. Et ce postulat n'est autre que le eoneept d'un régne des fins. au lieu de passer (1) Comprenant un « régne des fins D. BARNI. Nous avons presenté la simple position de eette question dans L'mtention pltilosoPhique (presente coUeetion). e) Les doctrines rationalistes qui fondent la morale sur 1'idée de perfection. du méme coup. ( . c'est-a-dire une proposition existentielle ímplíquée dans le príncipe de la moralité '. c'est la moralité.. implique. qui est l'Etre saint par excellence._.I· . Le principe d'autonomie.f ~UU~~~ti. Rícceur a observé justement que. en moí. La moralité et Yhumanité en:tant qu'elle est capable de moralité.autrui . Pour le rejoindre.••••. Car. mais paree qu'il est méprísable par luí-méme ! Autrement. KANT développe a ce propos la distinetion de l'opposition Gut-Biise.•· .Weh. le príncipe de la moralité. I1 est indéterminé. rien n'empécherait de concevoir la volonté de Dieu comme prescrivant des actions sans rapport avec la moralité. Kant rejette comme incompatibles avec la moralité toutes les doctrines philosophiques qui donnent a la morale un fondement tel que la volonté n'y releverait que d'un principe d'hétéronomie. . de l'intérét ou du sentíment). qui fonde la morale sur l'autorité extérieure d'un Étre supréme.&. Par ce motif sont rejetées : a) La doctrine elite « théologique ». de Bien.M. b) Les doctrines empiristes. chez Kant. Il faut passer par la loi morale rationnelle. législateur du regne de la nature..eonstitue une réponse kantienne a la question métaphysique (si débattue aujourd'hui) de « l'existenee d'autrui a. c'est-á-dire de rendre compte de leur possibilité (Rechtjertigung).. présent petit livre est seulement d'exposer la morale de Kant. ne l'est pas dans l'ordre du connaitre (1). C'est la que Kant est invincible. p. l'autonomie.) On a souvent díscuté le « formalisme » kantien. ne font pas grande difficulté.. partant des jugements de la conscience commune ou « saine raison vulgaire ». Je n'ai jamais tel devoir particulier a remplir que paree que je suis obligé au Devoir par la présence de la loi de la raison. la philosophie doit passer maintenant a une « critique de la raison pratique ». mais seulement ames cette loi et par elle. semble-t-il. « Le concept du bien et du mal. Comment une telle proposition peut-elle bien étre possible ? C'est cette question qui constitue le probleme critique de la morale. C'est la loi morale qui. mais i1 n'y a pas de mora1e sans un moment forme!. » • Il importe ici de bien comprendre la pensée de Kant. induit la réflexion a une métaphysique des moeurs posant et formulant a priori l'impératif catégorique. Le Bien. au point OU l'analyse régressive conduite par la deuxieme section de la Grundlegung.sinon paree que j'ai d'abord reconnu que cette action est bonne. qui peut paraitre paradoxale. de la métaphysique des meeurs.Oui. Mais. La solution de ce probléme est esquissée dans la troisieme section de la Grundlegung. sans doute. Kant. a étre bienfaisant . exigeant l'universalisation possible de la maxime. et dont il y aura lieu de déterminer dan s le concret les applications diverses. et non pas le Devoir en tant qu'impératif catégorique de la raison. a payer mes dettes. s'il est premier dans 1'ordre de l'étre. dit-il. Ce point.par exemple. 1aissant ouverte la discussion. est développé abondamment dans le deuxieme chapitre de l' Analytique de la raison pratique. comme nous l'avons vu. le respect de la personne fin en soi. Ricceur nous semb1ent tres propres a aider a le comprendre . et développée dans la Kritik. il devrait servir de fondement). qui sont des propositions pratiques analytiques. Les lignes cítées ici de M. 11 n'y a pas de morale concrete qui ne soit que forruelle . car ce qui est ici en question c'est tel ou tel devoir concret. avait. 396. dira-t-on. la premíére comme la deuxíéme personne. L'important sera de ne discuter ce formalisme qu'aprés l'avoir compris. (1) « Le propre d'un formalisme est de fournir a l'éthique l'armature a priori impliquée dans le moment de « prise de position » a l'é. toi et moi). que l'action contraire serait mauvaise ? . Le but limité du DEVONS-NOUS FAIRE ? 53 DEUXIEME PARTIE Exposition synthétique a : de la métaphysique des mosurs la critique de la raison pratique Nous venons de parcourir avec Kant l'analyse régressive qui. dont la tache laborieuse sera de justifier l'impératif catégorique et l'autonomie . et non une connaissance préalable du bien qui engendre la loi. selon Kant. puis-je me reconnaítre obligé par le devoir a telle ou telle action . Mais l'impératif catégorique est une proposition pratique synthétique et a priori. » (RICCEUR. et affirmant l'autonomie. immédiatement posé le difficile probléme critique qui se trouvait du coup soulevé : comment un tel impératif est-il possible ? Les impératifs hypothétiques. ne doit pas étre déterminé avant la loi morale (a laquelle. . Comment.52 11 LA MORALE DE QUE KANT connaissance préalable du Souverain Bien.gard d'autrui (nous _dirions méme ici : de toute personne. a rendre un dépót a moi confié. lui faisait découvrir l'impératif catégorique. . cito. mene a connaitre le bien. op. capital chez lui. volonté et raison. De quelle espece de loi releve-t-elle done? Les causes qui sont déterminées par les lois de la nature. Du concept de la liberté. sera a méme de lier. en partie dans la Kritik). ? volonté libre = vo1onté qui se soumet C~ 11 1 . deux espéces de causalité : la causalité par nécessité (qui est celle de la nature) et la causalité par liberté. Par ce cóté négatif. C'est une autre facon de formuler l'impératif catégorique. et agissent sous l'action d'une influence étrangére. sont hétéronomes. Le caractére des causes qui ne sont pas déterminées par les lois de la nature extérieure. ou causalité par liberté. le principe de la moralité (l'impératif catégorique) s'ensuit par « simple ana1yse ». c'est done l'autonomie . La causalité par liberté. en un mot le caractere de la liberté. c'est la propriété qu'a la volonté d'agir sans y étre déterminée par des causes étrangéres . le l° « La dé d'explication » de l'autonomie et de l'impératif catégorique est le concept de la liberté Il y a de la liberté un aspect négatif et un aspect positif. ¡ a la loi morale. n'agissent pas sous 1'action d'influences étrangeres déterminantes. sa propre loi. . dire que la causalité raisonnable. ou. et celle de la propriété qu'a sa maxime de renfermer une loi universelle).ce n'est la qu'une facon d'énoncer en d'autres termes le principe qui nous prescrit d'agir selon une maxime qu'on puisse vouloir ériger en loi universelle (car c'est une méme chose d'étre une volonté raisonnable et de vouloir l'universel). 2° De la possibilité. Cette exposition comprend les trois questions suivantes (développées en partie dans la troisieme section de la Grundlegung. quant a 1ui. en deux mots. Mais si de la supposition de la liberté le principe de la moralité dérive analytiquement. en d'autres termes. dans nos actions. Or. qui est celle de la volonté des étres raisonnables. ce principe n'en est pas moins. est a elle-méme. en effet. une proposition synthétique. « dé d'explication » de l'autonomie et de l'impératif catégorique . Il y a. et qui est une causalité par nécessité naturelle. En un mot : a priori qui expliquera la synthése a priori de la volonté et de la loi morale .c'est-á-dire la détermination de la volonté ou causalité raisonnable par sa propre loi. Or. c'est le concept de liberté 1 '1 . La liaison synthétique de ces deux notions dijJérentes rédame un troisieme terme en qui elles se rencontrent. la liberté consisterait done en ce que la volonté n'est pas déterminée par les lois de la nature. 3° De l'intelligibilité de la liberté. ou causalité volontaire des étres raisonnables. Aspect négatif de la liberté : La volonté est une espéce du genre causalité : celle qui appartient aux étres raisonnables en tant que raisonnables. qui renferme deux notions différentes (celle d'une volonté bonne. qui. lie une volonté a une raison. synthétiquement et a priori. si 1'on suppose la liberté de la volonté. la causalité des étres sans raison est au contraire une causalité qui n'agit que sous l'influence de causes étrangéres.1 54 LA MORALE DE KANT 11 s'agit de savoir quel est le concept transcendantal QUE DEVONS-NOUS FAIRE 55 Mais ce n'est pas a dire qu'elle échappe a toute espéce de loi. de la réalité et de la signification de la liberté. Des lors. ou volonté. C'est cette formulation. Mais il ne signifie pas essentiellement la liberté de ce vouloir. Cornment? Une réflexion encore préparera la réponse : c'est que la liberté doit étre supposée cornme propriété de tout étre raisonnable doué de volonté. Elle doit se considérer cornme étant l'auteur de ses propres principes indépendarnment de toute influence étrangere. Tout. Un tel impératif éléve d'emblée le sujet moral dans une sphére spirituelle nouménale. Car un tel étre est. A tous les étres raisonnables doit done étre attribuée une volonté libre. postule nécessairement l'idée du non-englobement du sujet moral dans le déterminisme naturel. En effet ~n étre qui ne peut agir que sous l'idée de la liberté est vraiment libre au point de vue pratique. Cornment cela ? Un impératif hypothétique n'implique pas essentiellement. Ainsi. c'est-á-dire l'idée de la liberté . Or. en un mot la volonté d'un étre raisonnable doit done se regarder cornme libre sous peine de contradiction. que la liberté n'est attribuable a notre volonté que si elle doit étre attribuée a la volonté de tous les étres raisonnables . il est démontrable apodictiquement que la liberté doit étre le caract~¡e de la . une raison ayant conscience d'étre l'auteur de ses jugements ne peut étre concue cornme recevant d'un dehors sa direction. Il signifie seulement : qui veut la fin veut (analytiquement) les moyens. tout étre raisonnable doué de volonté doit nécessairement avoir l'idée de la liberté cornme condition méme de son activité. par définition méme. en derniere analyse. L'impératif catégorique est présent. que soulevait irnmédiatement cet impératif. Kant a ajourné la solution difficile. et notarnment la formule d' autonomie. La clef de ce probléme. Or. par définition. analytiquement. en sorte qu'un étre qui a l'idée de la liberté se révele déjá cornme étre libre. Une raison pratique. Remarquons. enveloppe. Mais il en va tout autrement d'un impératif catégorique. peut étre phénoménal. qu'un tel vouloir ne soit qu'un phénoméne naturel dans le temps etl'espace. l'impératif catégorique implique. autrement dit. d'une Naturnothwendigkeit. un étre dont la raison est pratique. Or. il a d'abord formulé l'impératif catégorique. Et pour QUE DEVONS-NOUS FAIRE ? 57 préparer la découverte de cette solution. ne postule pas nécessairement la liberté. Mais cornment peut-il l'étre ? Quelle est la clef d'une justification critique (Rechtfertigung) de sa présence ? De cette question.LA MORALE DE KANT qui nous donnera ce troisieme terme. En un mot. une raison douée de volonté. relevant d'un Naturmechanismus. Il se pourrait que la fin voulue (et avec elle. C'est au concept de liberté que nous renvoie l'analyse régressive de la moralité. Nous avons vu que le probléme critique soulevé par l'impératif catégorique surgit du fait méme de la présence intérieure d'un tel impératif cornme proposition pratique synthétique a priori. car c'est en tant qu'étres raisonnables que nous-mémes relevons des lois de la moralité. qui le met sur la voie de la solution de ce probleme critique. Et c'est la formule d'autonomie qui livre cette clef. id. Un étre non libre ne pourrait pas méme avoir I'idée de la liberté. cornmandement absolu d'une raison transcendantale. c'est la liberté.volonté de tous les étres raisonnables.laquelle idée implique la présence réelle de la liberté. le concept de la moralité se trouve ramené au concept de la liberté. en effet. c'est-á-dire exerce une action causale sur ses objets. le moyen) soit voulue en vertu d'un déterminisme naturel. La liberté doit étre supposée en tout étre rai- . au-dessus de l'espace et du temps. au-dessus done du déterminisme spatio-temporel de la nature. et qu'on ne pourrait appeler du nom de liberté que la connaissance de la nécessité (1). a l'ordre des phénoménes seulement. et qu'elle réserve. Elle se confond avec l'intelligence. a pour nous. Mais elle a été déjá réso1ue par la Critique de la raison pure spéculative. C'est. par la moralité. de la loi morale ? N'y a-t-il pas apparemment « une sorte de cercle » a fonder la moralité sur la liberté aprés avoir fondé la liberté sur la moralité ? Liberté et loi morale doivent-elles étre non pas seulement supposées l'une par l'autre. si une raison pratique l'y oblige. qu'elle n'englobe dans ce déterminisme naturel phénoménal que l'homme phénoménal. comme transcendant le déterminisme supposition méme de la liberté n'est-elle pas exclue par la connaissance de la nature et du mécanisme naturel (Naturmechanismus) ? . sous l'hypothése de la liberté. La critique des conditions de la science conclut a la possibilité de la liberté. l'autonomie. serait impossib1e au sein de cette nécessité qui détermine tout. demande Kant. l'impératif catégorique. le Naturmechanismus. et ce fragment d'univers qu'est l'homme. l'homme empirique. qui a dégagé les conditions et du méme coup les limites de la nature. la liberté est-elle possible ? La L'homme n'est-il pas une partie de cette universelle nature ». ne disons pas l'affirmation de la réalité transcendantale de la liberté. L'impératif catégorique est possible sous ce concept. La nécessité détennine intégralement l'univers. une puissance d'agir. Une raison ne peut done étre pratique que sous la supposition. devait étre posée. une valeur absolue ? Pourquoi sommes-nous obligés ? Et comment rendre compte de notre croyance a la valeur absolue de la liberté de l'autonomie. c'está-dire en un mot dont la raison est pratique. du déterminisme et de la science. sauvé. c'est-á-dire dont la raison dirige une volonté agissante. quí est régie. dignes d' étre heureux. la moralité? (1) C'était la la vision de Spinoza. étres raisonnables. évídemment. et qui. La nature. amor intellectualis. La liberté spínoziste ne consiste en autre chose qu'en la connaissance de cette uníverselle nécessité.en sorte que l'exclusion de I'hypothese de la liberté entrainerait l'exclusion de tout ce qui la suppose comme condition : la raison pratique. par les lois de la nécessité naturelle (Naturnothwendigkeit) et le mécanisme (Naturmechanismus) ? de telle sorte que la liberté. entendue comme un pouvoir de se déterminer. une causalité d'initiative. comme l'atteste la science. « . de la réalité et de la signification de la liberté a) Mais tout d'abord. impossible sans ce concepto La liberté commence ainsi a apparaitre déjá comme étant plus qu'une simple supposition. d'avance. exclut-elle la causalité par liberté ? Cette question. a rendu le criticisme prét a affirmer la réalité transcendantale de la liberté. elle n'est pas action mais connaissance.LA MORALE DE KANT sonnable doué de volonté. l'homme « naturel ". indépendamment méme du mobile de l'espérance d'étre heureux. qui est nécessité et mécanisme. la Naturnothwendigkeit. d'avance. mais l'affirmation de sa possibilité transcendantale. si elle n'était que supposée. QUE DEVONS-NOUS FAlRE ? 59 20 De la possibilité. Pour Spinoza. mais affirmées comme réelles l'une et l'autre? Cela nous amene a la deuxieme question. par cela méme qu'elle limite la nécessité naturelle. en effet. Nous intéresserait-elle comme elle le fait. la volonté n'est pas une causalité par liberté. et si les valeurs morales qui l'impliquent n'étaient avec elle que supposées ? D'oü vient l'intérét supréme que nous lui accordons ? D'oü vient que le seul fait de nous rendre. la Critique de la raison pure qui a. TREMESAYGUES. seraient absolument enchainés avec d'autres phé(I) Critique de la raison pwre.. seetion 9 : « Possibilité de jai're accorder la caltsalité por liberté avec la loi gé1lérale de la nécessité naturelle • (trad. La Critique de la raison pratique développe cette référence a la Critique de la raison pure. n'est pas englobé dans la nature et ne releve plus de la ( causalité par nécessité ». KANT fait remarquer que eette distinetion eapitale des phénoménes et de l'étre en luí-méme (que le langage des philosophes appelle. sans laquelle elle ne serait nullement cause. Mais 1'Esthétique transcendantale a montré que l'espace et le temps sont les formes a priori de la sensibilité de la raison. Si le mécanisme naturel était un objet réel dans un espace réel. qui serait un attribut des choses. et. il est clair que l'univers ne laisserait aucun champ a la liberté. n'est pas constituée avant mais par 1'intervention des' catégories de 1'enten(I) Dans la Grundlegung. et qu'elle manifeste ainsi « une spontanéité si pure que nous pouvons nous élever avec son aide bien au-dessus de ce que les sens peuvent nous donner » (non pas sans doute pour connaitre des objets transcendants au delá de 1'expérience phénoménale. pure entre le caractére empirique et le caractére intelligible (1) : « Toute cause efficiente. c'est-á-dire les formes réceptives de toute l'expérience phénoménale. l'homme en tant que raisonnable. d'abord un caractére empirique.60 LA MORALE DE KANT naturel. par eonséquent. Enfin la Dialectique transcendantale a montré que la raison est une puissance de produire a priori des idées ou nouménes transcendantaux. de la r. par lequel ses actes. dans un sujet du monde sensible. II. mais vide d'intuitions intellectuelles (1). p. les représentations de eette espéce .. depuis Platon. tout spécialement dans « l'Examen critique de l' Analytique » qui termine le livre premier. disait l'auteur de la premiere Critique. qui apporte une matiére a ces formes transcendantales. comme phénomenes. L'Esthétique transcendantale a démontré 1'idéalité de l'espace et du temps. l'en soi de l'étre. chap.. objet de la perception et de la science. Et alors nous aurions. en tant que sujet transcendantal. si 1'homme en tant que sensible fait partie de la nature et releve du déterminisme phénoménal. mais jamais a eelle des choses en elles-mémes . En sorte que. laquelle est alimenté e seulement d'intuitions sensibles. régulateurs de la connaissance de l'ordre entier de la nature. nous conduisent seulement a la connaissanee des phénoménes. cela est établi par l'Esthétique. L' Analytique transcendantale a montré que la nature. liv. . l' Analytique et la Dialectique transcendantales de la Critique de la raison pure.. dont la connaissance est refusée a notre raison spéculative finie et formelle. et comme inaccessible a la science de la nature. Cela suffit déjá a établir que le déterminisme spatio-temporel ne sera qu'un déterminisme phénoménal régissant les apparences sensibles. nous font seulement eonnaitre les objets tels qu'ils nous affeetent et nous laissent ignorer ce qu'ils peuvent étre en eux-mémes. mais pour dominer du haut d'un « Je pense » transcendantal toute 1'expérience et toute la nature). distinetion du monde sensible et du monde intelligible) est «a la portée de la penséela plus vulgaire» : « Les représentations qui se produisent en nous índépendamment de notre volonté.• QUE DEVONS-NOUS FAlRE ? 6I dement sur le donné sensible. Que le déterminisme naturel dont connait la science laisse le champ ouvert a l'affirmation d'une liberté transcendantale si la morale la postule. Elle se référe notamment a la distinction qu'avait établie la Crit. comme celles des sens. c'est-á-dire une loi de sa causalité. Dialectique transeendantale. et non un déterminisme ontologique nécessitant l'en-soi des étres. II. doit avoir un caractere. 457). d'une thése de l'Ecole. mais qui lui-méme ne serait pas soumis aux conditions de la sensibilité et ne serait pas méme un phénomene. On pourrait nommer le premier : le caractere de cette chose dans le phénoméne . il serait la cause de ses actes comme phénomenes. qui ont ases yeux le mérite de sauver la liberté. ainsi chez I'homme.. est enchaínée. en tant qu'elle est intellectuelle. Et la conscience prend connaissance de l' Esse a force de le voir se rnanifester dans son comportement spatío-temporel. a des conditions de temps. » .. Chaqne étre agit selon ce qu'il esto Dans sa constitution se trouvent contenues en puissance toutes ses manifestations. le caractére empirique et le caractére íntellígíble. Or. et. d'un mythe platonicien. de la r. avant qu'e1les soient tombées dans des corps.. » (I) Schopenhauer . ne fait pas exception dans la nature . En lui ne naitrait ni ne périrait aucun acte. pure pour établir la possibilité transcendantale de la liberté sont capitales dans la pensée de Kant. Le caractére intelligible est choísi par la liberté au-dessus de l'espace et du temps. dit Schopenbauer.. Les diverses actions successives d'un individu manífestent. les d'Holbach. les unes une liberté pleine d'idées et mobile en divers sens. Ce caractere intelligible ne pourrait jamais. a la vérité.constauce telle que la liberté ne saurait étre attribuée a chacune de ses actions successives. Et SCHOPENHAUER trouve un symbole expressif de cette thése dans le mythe du Io·livre de la Réowbtique .. mais cette liberté. comme chez presque tous les autres animaux. d'ámes indépendantes. tels seront tes actes. les autres une liberté peu mobile et toute tournée d'un seul caté. C'est l' Esse qui aurait pu étre autre qu'il n'est. La responsabilité résíde dans l' Esse . dans 1'espace et le temps. un caractére constant et immodífíable dans le temps (<< Ce qui vient avec le béguin du uourrisson s'en va avec le linceul ») . d'une part. les Spinoza. c'est dans l' Esse que se trouve la liberté. le mythe d'Er 1'Arménien . il suit de 1'Esse. car le temps n'est que la condition des phénoménes. et devenues.• Tel tu es. d'autre part. mais elle se dirige suivant les désirs qui naíssent de l' organisa tion. second : le caractere de la chose en-soi. a la vérité. de ce caractére choísí hors de 1'espace et du temps par la liberté. ne rentrerait nullement dans la série des conditions empiriques qui rendent l'événement nécessaire dans le monde sensible. l'idéalité de l'espace et la distinction du caractére empirique et du caractére intelligible.te1 que le commente Porphyre dans un livre dont Stobée. l'a résolue en distinguant le phénoméne et la chose-en-soí.a cependant reconnu a la philosophie de Kant deux découvertes capitales. «Les ames. II faudrait ensuite lui accorder encore un caractére intelligible. La thése de l'Ecole dont la thése kantienne seraít une traduction. et le. de la r.ce quí implique liberté. et la détermination de celui-Iá par celuí-ci. Le caractére individuel est posé une fois pour toutes et 'le varietur. quant a son caractére intelligible. et s'en déclare responsable . Schopenhauer pense donner de cette thése kantienne une traduction exacte en la rapprochant. comme l'ont enseigné les Hobbes. et par suite il ne serait pas non plus soumis a la loi de toute détermination de temps . dit-il. Et pourtant nos actions s'accompagnent de la conscience d'un pouvoir propre de l'agent. puisque nous ne pouvons percevoir une chose qu'en tant qu'elle apparait. prat. elle se meut par elle-méme. ames de vivants. Descendues dans des corps. les Hume. en cela. mais il devrait pourtant étre concu conformément au caractére empirique (dem empirischen Charakter gemáss gedacht werden müssen) (1). elles ont le genre de liberté qui est propre a la nature du vivant qu'e1les sont. par lequel. Quant au déroulement de l'operari. Ce sujet agissant ne serait done pas soumis. Cette liberté dépend de 1'organisation du vivant.62 LA MORALE DE KANT nomenes suivant les lois constantes de la nature. étre connu immédiatement. Operatio sequitur esse. pour ensuite 1'accomplir en se conformant a tel ou tel genre de víe. dont celuí-ci se croit la source . le caractére empirique est le dépliement. Comment expliquer cette antinomie ? Kant. les Priestley. dans ses 'EXAOyod (chap. « L'homme. mais non des choses en soi. une fois I'áme tombée dans l'une de ces diverses vies. VIII. et sont actes. et dans un corps a ce convenable (car une ame peut choisir de vivre en lion comme de vivre en homme). serait celle que formule 1'adage .(qui a élevé contre la morale de Kant des critiques si violentes pour lui substituer sa morale de la pitié) . En un mot sa causalité. C'est l' Esse qui est choisi par la liberté.. l'operari tombe sous le coup de la nécessité. il se reconnait auteur de ses QUE DEVONS-NOUS FAIRE ? Ces références de la Grit. ont la liberté de choisirentre telle et telle existence. et entrées dans diverses vies. nous a conservé un passage . § 37-40). a la Grit. dans 1'ordre nouménal . présente. pure. elle est possible. de le remplir.. Il n'est explicable que par elle. si la raison spéculative excIuait cornme impossible la liberté. sans cette attitude de la raison spéculative. GOUS venons de le voir. elle n'y met pas obstacIe. étant donné que ma raison est pratique. pure. si nous le pouvons. c'est-á-dire.. de la r. car alors le principe de la causalité par nécessité ? s'étendrait a tout. la Grit. immédiatement liés a la conscience J. il faudra nécessairement. VIALATOUX 5 . sans doute. si la philosophie pratique vient a postuler l'affirmation de la réalité transcendantale de la liberté. Tandis que la premíere porte sur l'ordre phénoménal ou « monde sensible )). « nous nous placons a un autre point de vue » que dans la premiére. Il nous est done encore permis. extérieur a moi. cette attitude négative était d'une utilité tres positive et tres importante pour « l'usage pratique absolument nécessaire de la raison )): l'usage moral. : mais la raison spéculative nous a du moins procuré un champ libre pour une pareille extension. étant donné que je suis oblígé. observe Kant. cette supposition de la morale devrait plier devant cette contradiction. de la r. (notamment liv. Je n'ai point a les « conjecturer » (vermuthen) . nous comprenons I'impératif catégorique. la loi morale est la. Des lors. comme le ciel étoilé est la. l'impératif catégorique. « je les vois devant moi ) (ich sehe sie vor mir). si l'impératif catégorique est réellement présent. prat.QUE DEVONS-NOUS FAlRE LA MORALE DE KANT réitérées a plusieurs reprises. dans la seconde affirmation. chap. liberté et moralité devraient céder la place au mécanisme de la nature. Or. bien qu'elle ait dñ le laisser vide. Et méme. puisque. La science laisse a la liberté champ ouvert. Elles sont sous-entendues dans la troisieme section de la Grundlegung. et qui l'a fait en établissant d'avance la possibilité transcendantale de la liberté. puisqu'il n'est explicable et possible que par elle. pure n'avait établi solidement la distinction entre les choses comme objets d'expérience spatio-temporelle. refusé a la raison spéculative tout progres dans le champ suprasensible. et de la science de la nature (phénoménale) aucun démenti. Car. Il en serait forcément ainsi si la Grit. et ces mémes choses comme choses en soi. Mais. Elle est la. de la r. et surtout peut-étre dans l'importante préface de 1787 a la 2e édition de la Grit. postuler la présence réelle de la liberté. « Nous avons. et elle-méme nous y invite tout-á-fait. 1. @? C'est done bien a la philosophie spécu1ativequ'incombait la tache « d'ouvrir la voie ) a la philosophie pratique. par ses données pratiques . b) La liberté étant possible. et alors. qu'une attitude négative : elle ne dit pas non a la liberté. touchant la question de la liberté. elle ne recevra de la philosophie spéculative aucun veto. de la r. dit Kant. la raison pratique n'aurait pas l'assurance de ne pas se heurter a l'opposition de la raison spéculative. intérieure a moi. Et i1n'y aura aucune contradiction a affirmer tout a la fois le déterminisme de la nature phénoménale et la liberté transcendantale de la volonté.la seconde porte sur l'ordre nouménal transcendantal ou « monde intelligible ».. Je suis nécessairement libre. alors que la morale suppose nécessairement la liberté. et disparaitre. IIl). n'a. dans lequella raison s'étend inévitablement au-delá des limites de la sensibilité. et il n'y ~urait plus de place pour une causalité par liberté. cornme une requéte nécessaire de la moralité qu'elle cornmande. et explicitement énoncées dans maints passages de la Grit.. apodictiquement. le Devoir. et. )) En limitant la raison spéculative a l'ordre spatiotemporel des phénoménes. Des lors. Mais comment comprendre qu'il soit la ? Comment rendre compte de sa présence réelle ? Voilá la question que posait la métaphysique des meeurs. tels devront étre ses caracteres. la forme de l'impératif catégorique. La conscience de cette loi est un fait (Factum) de la raison. de la r. ce n'est pas du tout la question de savoir si le devoir. mais le fait unique de la raison pure. Mais. mais non pas ce saut du possible au réel ! Cette objection méconnait la pensée de Kant et joue sur les mots. sic jubeo) » (2). laquelle a été montrée possible par la Crit. explicitement posée des ce moment. affirme maintenant réelle. sa réalité postulera et obligera d'affirmer la réalité de la liberté. or la liberté est possible . pour la volonté (a la fois autonome et hétéronome) des étres a la fois raisonnables et sensibles comme l'homme. objecterat-on. Mais cst-il réel ? S'il est réel. qu'est-ce que tout cela prouve ? L'impératif catégorique n'est réel que s'il est possible. QUE DEVONS-NOUS FAIRE ? que si la liberté est possible. (2) Crit. Et cette loi morale prend. le voilá fait maintenant par la Critique. donnait au devoir dicté par la conscience commune son nom philosophique d'impératif catégorique.g semblait le présenter. praiique. c'est que l'impératif catégorique (qui est la. sous le regard de ma perception. il n'est possible (1) Crit. examinant cette question. sous le regard de ma conscience. prat. la Grundlegun. § VII. Au moment oü l'analyse régressive passant de la (( saine raison populaire » a la ((métaphysique des moeurs ». Le probléme. et par conséquent est réelle si l'impératif catégorique est réel. la Critique. et n'est possible que sous cette supposition. non pas encare comme réel. pure. La réponse de la Critique a la question que posait la Grundlegung. liv. 1. du méme coup. Kant réservait a la Critique de l'examiner et de la résoudre. et elle vient de rappeler que cette liberté elle-méme est possible. 1. et que la Crit. de Rechtfertigung. laquelle s'annonce par la comme source originaire de législation (sic volo. comme le del étoilé est la. et du caractére d'impératif catégorique que lui reconnait la métaphysique des meeurs. réel). de la liberté sa condition. vient de montrer que l'impératif catégorique est possible sous la supposition de la liberté. Cet examen. On pourrait étre ici tenté de faire une objection. et dont elle réservait a la Critique l'examen. n'est possible que par la liberté. Cela dit. paree que postulée nécessairement pour que soit . Le problérne que souleve l'affirmation du devoir par la conscience commune. La raison pose d'elle-méme la loi morale comme loi de tous les étres raisonnables en tant qu'ils ont une volonté. mais comme problématique : s'il y a un impératif catégorique. I1 est la réellement : ce n'est pas cela qui est mis en question. de la raison pratique. sans laquelle l'impératif catégorique ne pourrait pas étre. Et maintenant. mais y a-t-il réellement UD impératif catégorique ? Un tel impératif est-il possible ? Cette question. énoncé des la deuxiéme section de la Grundlegung et examiné par la troisieme section et par la Critique. de la r. done l'impératif catégorique est possible . il est la. si l'impératif catégorique est la ou non. c'est tout. de la raison. chap. est un probléme de justification critique. en moi. Mais cette affirmation saute gratuitement du cercle des possibles dans celui du réel . ((non pas un fait ernpirique. au-dessus de moi. vous affirmez la réalité de l'impératif catégorique.66 LA MORALE DE KANT de mon existence (1). Conclusion. on comprend bien cette chaíne de possibles. pouvoir causal autonome de leurs actions. sans aucun doute. et. .de l'ordre phénoménal empirique et de l'ordre nouroénal transcendantal. Ce qui rend compte de l'autonomie et de l'impératif catégorique. proposition pratique synthétique a priori.ce qui le lie a un ordre de choses que l'entendement seul peut coneevoir.68 LA MORALE DE KANT possible l'impératif catégorique. de la r. appartient d'autre part au monde intelligible. dit Kant. s'éeriait Kant . Nous le comprenons par la distinction du monde sensible et du monde intelligible . comme aux intuitions sensibles s'ajoutent des concepts de l'entendement exprimant la forme d'une loi en général et rendant possibles les propositions synthétiques a priori sur lesquelles repose toute connaissance de la nature ». pure ne nous a pas seulement appris a les distinguer. c'est celle de la Raison. et la liberté de l'autonomie. d'une liberté transcendantale dans un monde intelligible.de l'appartenanee de la liberté au premier. lequel est la . Ille peut en vertu de la distinction du monde intelligible et du monde sensible . commande a tout le monde sensible et avec lui a l'existence empiriquement déterminable de l'homme dans le temps. la liberté qu'il postule nécessairement. est-il possible ? 11 est possible paree que ma volonté.du fondement de celui-ci en celuila . affectée d'une part par la sensibilité. La Grit. tel en devra étre le caractere et telles les formules . En vérité. La causalité par liberté est de l'ordre intelligible et transcendantal. avec lui.Nous comprenons maintenant comment le concept de la liberté est la dé qui donne l'explication de l'autonomie et de l'impératif catégorique. c'est la Raison-qui-commande.présent . et. . et l'homme en tant qu'étre raisonnable. c'est done bien le coneept de la liberté. c'est la Raison-quioblige. et pourquoi maintenant l'impératif catégorique peut étre affirmé absolument.non pas comme un fait phénoménal (Tatsache).« a peu prés. . au cours de l'analyse régressive des deux premíeres sections de la Grundlegung. ce sera dire que c'est la liberté qui explique la raison. a l'ensemble de toutes les fins .. Nous comprenons ainsi pourquoi. Kant ne développait que conditionnellement le caractere et les formules de l'impératif catégorique : s'il y a un impératif catégorique. OU trouve-t-on la racine de ta noble tige ? Ce ne peut étre rien de moins que ce qui éléve l'homme au-dessus de lui-méme comme partie du monde sensible. « Devoir. dont font partie tous les étres raisonnables. ont leur fondement dans la transcendantalité du Moi nouroénal et du Monde intel- QUE DEVONS-NOUS FAIRE ? ligible dont il est membre. .. mais comme le Pait transcendantal méme de la Raison (Facturo).. e) Signijication de la liberté. Ainsi disparait. le cercle vicieux qui nous inquiétait et qui consistait en apparenee a déduire l'autonomie de la liberté. et qui. le concept de liberté et celui d'autonomie. en méme temps. lequel en est comme la réfraction dans l'espace et le temps. et que c'est en ce dernier qu'est le principe transcendantal a priori du monde sensible . tandis que la causalité par nécessité est dans la nature phénoménale. dit Kant. Et dire que c'est la liberté qui l'explique. Comment un impératif catégorique. ce n'est pas autre chose que sa personnalité. et de l'homme a l'un et l'autre. elle nous a montré que c'est le monde intelligible qui est le fondement du monde sensible. e'est-á-diré la liberté' l'indépendance a l'égard du mécanisme de la nature á . Sa présence réelle. L'impératif catégorique. . et la valeur absolue de l'une et de l'autre. n'est que formelle. et qu'elle rencontre cette limite a la hauteur de son usage supréme : son usage pratique. comme la nótre. et les lois auxquelles il est en ce cas soumis. et qui n'a pour alimenter ses catégories que des intuitions sensibles. ne doive considérer son propre étre relativement a sa seconde et a sa plus haute détermination. en définitive. Et c'est la tache de la philosophie spéculative de nous le faire comprendre. a dit Kant. appartenant a ces deux mondes. il est compréhensible que notre raison n'explique pas la liberté. qu'avec le plus grand respecto » 3° De l'intelligibilité de la liberté Mais une derniere question se pose : comment enfin comprendre ce fait transcendantal de la Liberté et du caractere pratique de la raison ? Cette liberté. Il n'y a done pas a s'étonner que l'homme.7° LA MORALE DE KANT entiere . qu'implique l'impératif catégorique et qui l'explique. qu'avec vénération. qu'une raison finie comme la nótre ait une limite. La liberté. I1 ne nous reste plus. Nous pensons le concept de liberté sous la catégorie de la causalité. C'est précisément ce qu'a fait la Critique de la raison pure en nous montrant que l'usage spéculatif de notre raison est limité a la mesure de nos intuitions. Si done c'est la liberté qui explique notre raison. comment l'expliquer a son tour? Cela. qui est vide d'intuitions intellectuelles. et avec elle la possibilité pour la raison d'étre pratique. est « la dé de voüte des deux Critiques ». que la raison puisse étre pratique. QUE DEVONS-NOUS FAlRE ? Il est done compréhensible que la liberté soit incompréhensible a notre raison. Il est compréhensible. quant a expliquer. La philosophie spéculative a expliqué la possibilité transcendantale de la liberté et montré l'impossibilité pour la science de l'exdure aussi bien que de la connaitre.. est inaccessible a notre humaine raison. qu'á chercher une réponse a la troisieme et derniere question de la philosophie pratique : que nous est-il permis d'espérer ? . lesquelles ne sont que sensibles. en d'autres termes. dans ces conditions. répond Kant. voilá ce qui dépasse les limites d'une raison qui. Mais nous pouvons comprendre que cela nous soit incompréhensible. Mais quant a expliquer la liberté elle-méme. mais nous n'avons pas d'intuition intellectuelle de la liberté a livrer a la morsure et a la prise de cette catégorie.. la troisiéme est a la fois pratique et théorique. puis-je espérer y participer ? Il s'agit de dire si la raison. il est nécessaire aussi selon la raison. Le premier de ces deux textes prépare. Or. dans la phi1osophie spéculative. du chapitre H du livre II de la Ire Partie de la Critique de la raison pratique : « Dialectique de la raison pure pratique ». La « Dialectique de la raison pratique )) reprend et développe ces anticipations du « canon de la raison pure ». par conséquent. )}Tandis que le savoir aboutit finalement a cette conclusion que quelque chose est comme cause supréme. cette partie finaJe de la philosophie pratique. dans son usage théorique. verbunden sei). aber nur in der Idee der reinen Vernunft. le criticisme a répondu : Fais ce qui peut te rendre digne d'étre heureux. écrit Kant. le terme souverain (das Hiichste ). LE CONCEPT DU SOUVERAIN BIEN Dans le concept du « Souverain Bien )). Tandis. que la premiere question du criticisme (que puis-je savoir ?) est simplement spéculative. et la deuxieme (que dois-je faire ?) simplement pratique. de la deuxieme section du chapitre II de la He Partie de la Critique de la raison pure : « De l'idéal du Souverain Bien comme principe qui détermine la fin supréme de la raison )}. car e11ese pose dans les termes suivants : « Si je fais ce que je dois faire. tout d'abord. que m'est-il permis d'espérer ? )}Et il ajoute : « Tout espoir tend au bonheur et est a la pratique ? 73 et a la loi morale ce que le savoir et la loi nature11e sont a la connaissance théorique des choses. que signifie. l'espoir aboutit finalement a cette conclusion que quelque chose est. rattache nécessairement a cet impératij cette espérance. de méme que les principes moraux sont nécessaires selon la raison dans son usage pratique. en prescrivant a priori la loi morale. La derniére question a laque11e il s'agit de répondre est alors la suivante : Si je me conduis de maniére a ne pas étre indigne du bonheur. d'admettre que chacun a sujet d'espérer le bonheur dans la mesure oü il s'en est rendu digne par sa conduite. A la deuxiéme de ses trois questions. ensuite et surtout. puisque quelque chose doit (so11) arriver. et que.QUE NOUS EST-IL PERMIS D'ESPÉRER TROISIEME QUESTION QUE NOUS EST-IL PERMIS D'ESPÉRER? (DaCTRINE DU SaUVERAIN BIEN) Cette troisiéme partie du criticisme fait l'objet : - - d'abord. c'est-á-direpar- . le systeme de la moralité est inséparablement lié (mais seulement dans l'idée de la raison pure) a celui du bonheur (und dass also das System der Sittlichkeit mit dem der Glückseligkeit unzertrennlich. puisque quelque chose arrive. Ce terme est équivoque : il peut signifier supremum (das Oberste) ou bien consummatum (das Vol/endete). a quoi rien ne manque. puisque. et done immortelIe. Immortalité de l'fune. Liberté de la volonté. de la r.. c'est la Vertu. chap II. Mais la vertu n'est pas le Souverain Bien au deuxiéme sens. la condition supréme de tout bien. Au deuxiéme sens.::. fait.- . une volonté entierement délivrée de toute résistance sensible. Nous voyons alors le contenu du concept de Souverain Bien. II. l'accomplissement parfait de la moralité.Ó» • :. Cette perfection. Le premier de ces deux éléments du Souverain Bien postule l'immortalité de l'áme. La moralité ne peut done s'accomplir. et la volonté devenir sainte que dans un progrés aIlant a I'infini (ins Unendliche gehenden). c'est une condition (Bedingung) qui est elle-mérne inconditionnée (unbedingt). mais aujugement d'une raison impartiale.411 .. non pas seulement au regard partial.LA MORALE DE KANT 74 QUE NOUS EST-IL PERMIS D'ESPÉRER ? 75 . La sainteté. Dans le premier sens. et par conséquent de toute ambiguíté. der keiner dem moralischen Gesetze widerstreitenden Maximen (1) Crit. conformité entiere de la volonté a 1'Universel. est un idéal de perfection dont n'est capable aucun étre raisonnable dans le monde sensible a aucun moment de son existence spatio-temporelIe.' '. n'est done pratiquement ••• ~ " . pleinement accompli. Le Souverain Bien impliquera done un double élément : D'une part.viennent en prolongement du premier postulat transcendantal impliqué par 1'impératif catégorique : la liberté. .. '. l° L'immortalité de l'áme.•• 1· ~ .: .¡..) Une volonté sainte est celIe qui ne serait capable d'aucune maxime opposée a la loi morale (« einen so1chen." f'ahig wáre »). (« Die vollige Angemessenheit des WilIens zum moralischen Gesetze ist Heiligkeit » (1). O~HAJU. est premiére (originarium). Cet élément du Souverain Bien.':. liv._'. ElIe devrait pour cela étre accompagnée du bonheur. la sainteté de la volonté. La troisiéme section de la Grundlegung et l' Analytique de la Raison pratique se sont expliquées sur le premier. § 4. [mü. et en étre digne. ~.Existence de Dieu : tels sont done les trois « postulats de la Raison pratique ».. du Bien entier et completo Il comprend la réunion de la vertu et du bonheur et la proportionnalité du bonheur a la moralité. qui nous rend digne d'étre heureux. Car avoir le besoin du bonheur. c'est un Tout qui ne fait pas lui-mérne partie d'un Tout plus grand de la mérne espece (perfectissimum).. La Dialectique de la raison pratique est consacrée aux deux derniers. et pourtant n'y point participer. selon 1'intention de la Raison pratique. ~ ~. dans le monde sensible. D'autre part. cela est incompatible avec le vouloir parfait d'un étre raisonnable qui aurait en méme temps toute puissance. c'est-ádire n'est subordonnée a aucune autre. complet.aII)TE~~rU ~ FAIMLTAD D U:. progrés qui exige une personnalité persistant indéfiniment. Autrement dit. Le second postule l' existence de Dieu. aux yeux intéressés du sujet personnel qui se prend pour fin. Et la sainteté de la volonté consiste en sa conformité parfaite a la loi morale. '. sa volonté est toujours plus ou moins partagée et déchirée entre une sensibilité subjective particuliére et la Raison universeIle.¡~. c'est la sainteté de la volonté. Ces deux derniers postulats transcendantaux .. le Bien total et parfait (das ganze und vollendete Gut).. une synthese final e de la moralité parfaite et de la félicité -l'union de la sainteté et du bonheur. .'"."" . . Au premier sens. ••.l'áme irnmortelle et Dieu . IAI •••. ich musste also das Wissen aujheben. tout mérite . par la raison pratique. et ce n'est pas. Cette connexion nécessaire de la sainteté et du bonheur exige une Cause QUE NOUS EST-IL PERMIS D'ESPÉRER ? 77 supréme transcendant la nature par l' entendement et la volonté . ne se résout point en une identité. la vertu qui constitue ipso-facto le bonheur. ainsi déterminé par le criticisme en réponse aux trois questions. d'agir et de croire. Ce ne sont pas des objets de science. est un rapport « sagement proportionné ». » Cette croyance rationnelle nous permet d'éspérer le Souverain Bien. postulée nécessairement. en confondant la conscience d'étre vertueux avec le bonheur. pour faire place a la croyance . en ce domaine. en refusant a notre raison la faculté de savoir ce qu'elle a la faculté de croire. mais si. Dieu et l'immortalité avaient été mis en pleine lumiere. que ce rapport. dit la préface de 1787. La raison requiert l'union finale de la vertu et du bonheur. 2° L'existence de Dieu. de nos facultés de savoir. sont des hypotheses nécessaires pour la philosophie pratique. comme le croyait l'épicurisme. permises par la philosophie spéculative. postulée nécessairement par la raison pratique. en un mot. Et comme e1le est requise a priori. . Si. Mais si la vertu ne consiste pas a chercher a étre heureux. inconnaissable objectivement de la raison spécu1ative (mais nullement exclue par e1le) est ainsi requise. Kant remarque. hypotheses possibles. L'erreur commune des Épicuriens et des Stoíciens était de prétendre unir bonheur et vertu en les identifiant. Mais bonheur et moralité sont deux éléments du Souverain Bien spécifiquement différents. la poursuite du bonheur qui constitue la vertu. l'union de la vertu et du bonheur n'est pas de nature analytique. elle rend digne d'étre heureux celui qui la pratique. c'est. Car ce n'est pas. mais de croyance. Nous aurions tort de penser que la nature. derriere la liberté. mais des postulats nécessaires de la raison pratique. comme le croyait le stoícisme. Or. Ce sont les « postulats de la raison pratique ». l'existence de Dieu est requise. en confondant la vertu avec la maxime du bonheur par un impératif hypothétique (proposition pratique analytique. dans le monde. um zum Glauben Platz zu bekommen. nous a traités a la facon d'une marátre.une cause conforme a l'intention morale.et de croyance rationnelle. par la « bonne volonté ». La liberté. L'immortalité. omnisciente et toute-puissante. c'est la soumission de la volonté a la loi par respect pour la loi. comme nous l'avons vu) . non pas si nous avons cherché a étre heureux. nous nous sommes rendus dignes d' étre heureux. en effet.LA MORALE DE KANT possible que dans cette supposition. les seconds. sous les yeux de notre intuition. et que le bonheur couronne la sainteté. par le respect du devoir pour le devoir. en un mot: Dieu. Certes. pour finir. IndémontrabJe et inconnaissable (mais nullement exclue) par la raison spéculatíve. auteur de la nature . supprimer le savoir. la bonne volonté qui est constitutive de la moralité. a lui posées. l'immortalité et Dieu. la possibilité du Souverain Bien requiert une déduction transcendantale. c'est-á-dire par un lien analytique : les premiers. « Je devais. Le Souverain Bien n'est concu par la raison corome complet qu'á la condition que la félicité soit unie a la moralité. impliquée. La liaison de l'un et de l'autre est de nature synthétique. Ce ne sont pas des objets donnés a l'intuition. Le premier spectacle anéantit mon importance. » QUE NOUS EST-IL PERMIS D'ESPÉRER Aux questions qu'il s'était posées savoir ? que devons-nous faire ? que d'espérer ? -le criticisme répond : Nous pouvons savoir l'ordre des l'espace et le temps. et les rattache immédiatement a la conscience de mon existence. a ma personnalité. Le second. et me représente dans un monde qui a une véritable infinité. « Deux choses. comme celle d'une intelli-· gence. En sorte que (et ce sont la les derniers mots de la dialectique). je les vois.LA MORALE DE KANT personnel eüt été retiré a notre bonne volonté qui. Nous devons faire notre devoir. und das moralische Gesetz in miro Elles ne sont point de simples conjectures .der bestirnte Himmel über mir. en tant que je suis une créature animale qui doit rendre la matiére dont elle est formée a la planete apres avoir été pendant un court espace de temps douée de la force vitale. mais n'est pénétrable qu'á l'entendement. « la Sagesse impénétrable par laquelle nous existons n'est pas moins digne de vénération pour ce qu'elle nous a refusé que pour ce qu'elle nous a donné en partage ». dans ces conditions. La seconde commence au moi invisible. dans . a mesure que la réflexion s'y attache et s'y applique : le ciel étoilé au-dessus de moi et la loi moral e en moi . remplissent l'esprit d'une admiration et d'une vénération toujours nouvelles et croissantes. Nous pouvons espérer le Souverain ? 79 que pouvons-nous nous est-il permis phénomenes Bien. par ma personnalité dans laquelle la loi morale me manifeste une vie indépendante de l'animalité et méme de tout le monde sensible. au contraire. n'aurait pu se rendre digne du bonheur en se déterminant par la seule considération du devoir. sous mes yeux. La premiere commence a la place que j'occupe dans le monde extérieur et étend la connexion dans laquelle je me trouve a l'espace immense et a la durée sans limites. conc1ut Kant. éléve infiniment ma valeur. la présentation et la discussion des doctrines.dont l'unique dessein était. nous nous sommes borné id a l'exposer. au détriment l'une de l'autre. Sans renoncer au projet de soumettre au contróle des autres nos réflexions personnelles sur la morale de Kant. docilement ? En cette tache prerniére. en ce qu'elle nous a paru avoir d'essentiel. mais non pas substituer ni étre substitué. personnellement. avec attention et réflexion. V1ALATOUX p. c'est entrer dans l'effort qui l'a créée. un peu comme on entre en une musique. « répudient la facilité». Kant est de ceux qui. J. on peut bien étre aidé et aider. 109. Comprendre une ceuvre. et sans en entreprendre la discussion. La pensée et le mouoant. et font « priser par-dessus tout l'effort» (1). On y doit oeuvrer. selon un mot que Bergson a tenu a s'appliquer a Iui-méme.RÉFLEXION FINALE Nous voulons arréter id ce petit livre d' « initiation » . d'aider a notre tour ceux qui désirent lire ou relire un auteur et s'efforcer de le comprendre. et l'attribuer a une habitude de vieux professeur. avant de prétendre le discuter. 6 . ou simplement en une marche. soucieux seulement de le faire avec fidélité. Ne faut-il pas d'abord comprendre. C'est dire que comprendre ne va pas sans réfíé(1) BERGSON. qui craint de méler. aprés avoir été aidé par bien d'autres. Le lecteur voudra bien excuser ce refus de précipitation. p. 1953). qu'une grande ceuvre philosophique. F. c'est sympathiser avec elle en ce qu'elle a de meilleur. écrites par un philosophe qui a longuement médité : « Si les philosophies réclarnent l'engagement d'une conscience. mais quigardera toujours sa profondeur. cornme celle des consciences. lls sont de l'essence de la philosophie (1). fera sagement de méditer ces lignes. La comprendre. ce n'est en rien exclure l'effort ultérieur de discussion. 11est plutót une conversation et un échange. De ce point de vue. nous ferions nótre volontiers ces lignes écrites sur la morale de Kant : « Il ne faut pas. XXI). mais la philosophie n'est pas la sagesse . on comprend pourquoi le dialogue est nécessaire entre elles. l'échange et la réciprocité prennent un róle essentiel.. Il y a la une attitude de conscience a Iaquelle il est permis de préférer d'autres attitudes de conscience. Qu'est-ce. peut-étre ne serait-il pas illégitime d'avancer ce critére : Une philo(r) F. mais ne commenee pas par la. se háter de conclure en faveur du dernier venu. a strictement parler. Madinier ajoutait : « Ceci ne veut pas dire qu'il n'y aurait pas de philosophies fortes et de philosophies faibles. VIALATOUX 6* . est une. 131• Sous ce [our.. Conscience et signification (P. des pensées superficielles et des pensées profondes. et provoque des lors de fécondes discussions ? Vouloir exposer. se comprend mal sur un plan objectif. J. une doctrine. Lniroduciion a la trad.. sinon une oeuvre qui donne beaucoup a réfíéchir.. ALQUIÉ. » (1) G. Quiconque entreprend d'étudier une grande doctrine.82 LA MORALE DE KANT RÉFLEXION FINALE chir. d'ailleurs. MADINIER. la prétention. elle en est l'effort. PICAVET de la Crit. Et c'est cette recherche du meilleur qui doit étre au centre de la discussion. si elle n'est pas qu'une idéologie. Mais elles ont raison de faire entendre qu'une grande doctrine ne saurait périr sans nous laisser une substance qui ne périt point . La prétention de réduire a une seule les doctrines philosophiques et de rejeter toutes les autres. elle peut s'offrir a la cornmunication et avoir acces au plan de l'universel. pas réfutables. est la plus antiphilosophique des attitudes. en de tels problemes. des pensées vraies et des pensées fausses. » Ces ligues ne tendent point a mettre Kant au-dessus de toute discussion. Elle est réciprocité. Et leur auteur en discute lui-méme plus d'un point (par exemple. prat. Chaque philosophie a sa perspective. de la r. et regarde l'histoire de la philosophie avant tout comme un lieu de rencontre. La premiere condition de cet effort et de cette recherche. G. » Si l'on demandait maintenant a quel sigue on peut reconnaitre une philosophie faible et une philosophie forte. Le plérñme des philosophies n'est pas un concert dont mon esprit se séparerait pour s'en faire l'auditeur. ne sont. La sagesse sans doute. la conception de l'hornme qu'il en tire. p. en un mot. Et réfléchir peut mener a discuter. U. Kant peut donc nous donner encore de fructueuses lecons (1). si elle vise la Vérité. mais. Aux lignes précitées. de se fermer. elle en est l'intention et la recherche. La pluralité des philosophies. Et nous devons entreprendre la lecture de la Critique de la raison pratique comme celle d'un livre ayant gardé toute son actualité ! La méditation de Kant sur le probleme moral. sans plus. Mais il n'y a sans doute pas de pensées fausses qui ne contiennent quelque vérité. c'est l'ouverture. p. et que c'est cela d'abord qu'il faut aller chercher en elle. C'est l'accueil du dialogue. XXXI. C'est l'appeler au contraire. eomme tout systeme. tiaUsme. le rapport doit étre ee!ui de l'esprit et de la lettre. Le systeme de Kant. Ce qui est sur aussi. eomme la puissanee intuitive de l'esprit humain aux seules intuitions sensibles . et refuser de penser par signes. LACHIEZE-REY. mais e'est une pensée qui déborde et domine son systeme. La force nourrissante de la doctrine morale de Kant. e'est qu'elle doit passer par lui . ee n'est point une pensée sans systeme. aupres de eeux qui veulent s'ouvrir.. . ne pas s'organiser reviendrait a ne pas s'exprimer. Il ne faut pas volatiliser mais ouvrir le systeme. par exemple. a refuser de penser par signes.ne disons pas : fait éclater son systéme . X950). de s'exprimer. le déborde de toute la hauteur d'un « J e pense » transeendantal. e'est d'étre une métaphysique des meeurs édifiée sur la base de la bonne volonté et du devoir. la pensé e humaine ne pense pas a moins. 11 i tive aux seules intuitions sensibles.servante indispensable . e'est qu'elle a tenté elle-méme de le dépasser (1). un diseours sans intuition serait un verbiage qui ne signifierait rien . c'est-á-dire prét au dialogue. s'il peut se préter a la clóture auprés de eeux qui sont enelins a se dore. Ouvert. II s'y préterait peut-étre. . mais l'intuition sans diseours n'est pas l'apanage de la pensée humaine.voire. Une pensée humaine forte eherehe et arrive a se systématiser. pour instaurer le devoir. dansla doctrine d e la moralité. La lettre doit étre la servante . qu'il exprime et qu'il organise.mais non la maitresse de l'esprit. Mais eertaines doetrines ne l'aeeeptent que eomme une em- existen(1) Cf. dans la mesure oü l'affectivité humaine s'y verrait réduite aux seules inelinations sensibles. en ee monde. se préte aussi a l'ouverture. c'est le Criticisme.mais le déborde et le tient ouvert. II s'y préterait peutétre. en risquant de laisser le respeet lui-méme inintelligible. e'est que. LACROIX. U. non pas avant de s'exprimer. de se signifier. peut se préter a la clóture. dans la doetrine de la scienee. le regne des fins a un respect qui prend l'apparenee d'étre impénétrable a l'amour. Et la preuve que eette pensée ne s'est pas close en son systéme. Mais ee qui est sur. mais en s'exprimant. de s'organiser. Entre la pensée et le systeme. Systéme et existence. Ce rapport se situe sur une dimension vertieaIe. I1 n'est guere de doctrines morales qui se passent de la raison. dans Murxisme. Certes. il ne resterait rien de la morale. Il ne faut point médire des systemes (1). on voulait éliminer le devoir. a ne pas se signifier. en limitant un peu trop notre pensée intui(r) Cf. et que si. Une philosophie forte.RÉFLEXION FINALE LA MORALE DE KANT sophie faible est une philosophie dont la pensée s'enferme dans son systéme. C'est un systeme qui. e'est en la raison qu'ille faut instaurer. e'est celle qui . Or. . en arrétant pour nous. de la moral e. L'sdéalisme kantien. persownaiisnie (P. ee serait pour elle abdiquer et se perdre. F. De la partd'une pensée humaine. s'il est vrai que notre esprit pense. Mais une pensée qui s'enfermerait dans son systéme serait une pensée morte. La prétention de s'en exempter est eelle qu'ironisait Paseal : qui veut faire l'ange fait la béte. P. La pensée forte. Mais on ne saurait eontester que ee systéme. J. L'Éthique doit peut-étre (et sans doute peut) dépasser le devoir. paree que la pensée qu'il signifie.et eneore en eompromettant l'engagement de la liberté transeendantale dans une nature phénoménale dont le déterminisme ne serait défini que eomme un « Naturmeehanismus ». 86 LA MORALE DE KANT ployée. 4I. 2° De la possibilité. par la Sensibilité. . Le criticisme - Que pouoons-nous savoir? (doctrine de la science) . fr. Que nous est-il permis d'espérer? (doctrine du Souuerain Bien) .Exposition synthétique : de la métaphysique des mceurs a la critique de la raison pratique .. eJle est la patronne. - Réflexion finale 72 81 r. de la réalité et de la signification de la liberté .. La conscience comrnune . . Deuxierne Partie. préposée.. la raison n'est pas. (I) « I1 faut que ce mot (devoir) soit banni du vocabulaíre de la moral e » (BENTHAM. . une employée .Analyse régressive vers la métaphysique des rnreurs . I. . . au service d'une Sensibilité souveraine. . Sic volo. . n'est autre que celui de la raison. telle la raison calculatrice d'un Bentham. 1 PREMIERE QUESTION. sic jubeo. . p.. trad. et commande en souveraine. - Il serait bien étonnant qu'une discussion de l'Éthique de Kant n'ait ríen a garder d'essentiel. . 7 DEUXIEME QUESTION. 3° De I'intelligibilité de la liberté . . TABLE DES iVIATIERES PAGEB INTRODUCTION. 1° La « dé d'explication )) : la liberté . § I. s'il est vrai que le nom « sublime et grand » du Devoir est essentiel a l'Éthique. Mais Kant se garde d'ajouter : Sit pro ratione voluntas! car l'impératif. et Bentham est le premier a proclamer cette élimination (1). 1° Position de l'impératif catégorique 2° Formulation de I'impératif catégorique . Que devons-nous faire ? (doctrine de la moralité ) . L'impératif catégorique parle sur ce ton. qu'il fait parler sur ce ton. t. 13 17 17 3° 3° 37 48 53 54 58 7° TROISIEME QUESTION. Premiere Partie. Déontologie 0" science de la morale. Le regne des fins . § 2. en morale.' Passage de la conscience cornmune a la métaphysique des mreurs . LAROCHE. . Pour Kant. aux services d'une comptabilité des plaisirs et des peines. Cet « emploi » de la raison élimine le devoir. . Roger MEHL 1/11 19 ET LA MORT Georges BASTlDE SUP 20 SECTION " INITIATION PHILOSOPHIQUE Joseph VIALA TOUX L'INTENTION PHILOSOPHIQUE 2 LE VIEILLlSSEMENT Jean LACROIX LES SENTIMENTS " LA CONVERSION SPIRITUELLE Jean LACROIX 21 LA SOCIOLOGIE 22 Joseph VIALA TOUX LA MORALE DE KANT D'AUGUSTE COMTE Ivan GOBRY ET LA VIE MORALE 23 LES NIVEAUX DE LA VIE MORALE Lucien DINTZER 3 Georges GUSDORF LA PAROLE 24 LE JEU D'ADOLESCENCE 4 Francois SELLI ER MORALE ET VIE ÉCONOMIQUE 25 Francols GR~GOIRE LA NATURE DU PSYCHIQUE 5 Jean-William LAPIERRE LE POUVOIR POLlTIQUE 26 Georges GUSDORF LA VERTU DE FORCE 6 Maurice N~DONCELLE INTRODUCTION A L'ESTHJ'¿TIQUE 27 Genevieve RODIS-LEWIS LA MORALE DE DESCARTES 7 André BRIDOUX LE SOUVENIR 28 PASCAL. 18 René BOIREL L'INVENTION 39 Sylvain ZAC LA MORALE ET PSYCHOLOGIE DE LA PHILOSOPHIE MORALE DU MAL GAUTHIER D'ARISTOTE DE L'ART Louls AL THUSSER LA POLlTIQUE DE SPINOZA ET L'HISTOIRE . 8 Gaston BERGER CARACTERE ET PERSONNALlTJ'¿ 29 Paul CÉSARI LA VALEUR 9 Joseph HOURS VALEUR DE L'HISTOIRE 30 Ferdinand ALQUI~ L'EXPÉRIENCE 10 Léon MEYNARD LE SUICIDE 31 Bernard TEYSSEDRE L'ESTHJ'¿TIQUE DE HEGEL 11 Georges B~NÉZ~ LA MJ'¿THODE EXPJ'¿RIMENTALE 32 12 Michel FOUCAUL T MALADIE MENTALE 13 ~mile BRÉHIER LES THEMES ACTUELS 14 Gabriel MADINIER LA CONSCIENCE 15 Francols DAGOGNET PHILOSOPHIE BIOLOGIQUE Georges LE ROY SAVANT ET CROYANT Henri LEFEBVRE PROBLEMES Étienne ACTUELS DU MARXISME BORNE 33 LE PROBLEME 34 René-Antoine LA MORALE 35 Henry DUMÉRY PHJ'¿NOMJ'¿NOLOGIE ET RELIGION 36 Jean-Paul WEBER LA PSYCHOLOGIE 16 Jean PUCELLE LE TEMPS 37 Louls BORDET RELlGION ET MYSTICISME 17 Robert BLANCH~ L'AXIOMATIQUE 38 MONTESQUIEU. lO René MUGNIER LE PROBLEME l1 61 Jeanne RUSSIER LA SOUFFRANCE Francols HEIDSIECK LA VERTU DE JUSTICE 62 René DUCHAC SOCIOLOGiE ET PSYCHOLOGIE 12 Roger LEFEVRE LA MÉTAPHYSIQUE 63 Maurice MEIGNE STRUCTURE DE LA MATIERE 13 Ferdlnand ALQUIÉ LE DÉSIR D'ÉTERNITÉ DE LA VÉRITÉ DE DESCARTES Raphael LÉVÉQUE UNITÉ ET DIVERSITÉ Joseph COMBES VALEUR ET LIBERTÉ 65 Mohamed Aziz LAHBABI LE PERSONNALlSME MUSULMAN 45 Lucien MALVERNE SIGNIFICATION DE L'HOMME 66 Gilbert DURAND L'IMAGINATION 46 Francois PERROUX ÉCONOMIE ET SOCIÉTÉ 47 Henri ARVON LA PHILOSOPHIE 48 Émilienne SYMBOLlQUE NAERT 67 LA PENSÉE POLlTIQUE 58 Georges PASCAL ALAIN ÉDUCATEUR Jean GRENIER ABSOLU ET CHOIX 69 Jean LACROIX L'ÉCHEC 70 Jean-Marie AUZIAS LA PHILOSOPHiE 49 Jean GUITTON JUSTIFICATION 71 So Ivan GOBRY LA PERSONNE Raymond VANCOURT LA PENSÉE RELIGIEUSE 72 51 Maurice CORVEZ LA PHILOSOPHIE Noel MOULOUD LA PSVCHOLOGIE 73 S2 Georges BÉNÉZÉ LE NOMBRE DANS Rose-Marie MOSSÉ-BASTI LA LIBERTÉ 74 Denise BRI HA T RISQUE ET PRUDENCE S3 Stanislas BRETON ESSENCE ET EXISTENCE 7S Marie-Madeleine DA VY LA CONNAISSANCE DE SOl 54 Georges MOUNIN POÉSIE ET SOCIÉTÉ 76 Gilles DELEUZE LE BERGSONiSME 55 Francois HEIDSIECK PLAISIR ET TEMPÉRANCE 77 Antoinette VIRIEUX-REYMOND L'ÉPISTÉMOLOGIE 56 Jean LECHAT ANALYSE ET SYNTHESE 78 Rober! BLANCHÉ LA SCIENCE ACTUELLE ET LE RATIONALlSME 57 Antoine!te VIRIEUX-REYMOND LA LOGIQUE FORMELLE 79 Marie-Louise ÉLÉMENTS CONTEMPORAINE 58 Camllle SCHUWER LES DEUX SENS 80 Jean-Paul CHARRIER L'INCONSCIENT ET LA PSYCHANALYSE 59 Gllles DELEUZE LA PHILOSOPHIE 81 Joseph RASSAM LA MÉTAPHYSIQUE 60 Francois CHIRPAZ LE CORPS 82 Bernard BOURGEOIS L'IDÉALlSME DE FICHTE DU TRAVAIL DU TEMPS DE HEIDEGGER LES SCIENCES EXPÉRIMENTALES DE L'ART CRITIQUE DE KANT DE LEIBNIZ ET LES TlECHNIQUES ET L!ES STRUCTURES DE ROURE DE LOGIQUE Chaque DE HEGEL DE SAINT volume in-B o THOMAS ccurcnne : 6 F. . 1968-2. t...I::. N° 30054 des Pressea Universitaires IMPRlMÉ El< de France.. l..')"(:.·r F(·!:::) e EDIMPORT I~lP. - Imprimerie ÉDI1'. N° 20708 FRANOR BIBLIOTECA UNIVERSITARIA DE GRANADA 000632894 r· (.o 673 . N.D U¡. - Vendóme (France) IMP.: 1.C. /aude' KHODOSS et J~.:. SUPÉRIEUR * DES CUR/EN :liopalhologie CLASSE INITIATION PHILOSOPHlluE Sectíon d~ríg.par. PHILOSOPHES' de l'Enfant .ée . Jeen LACRd X LES GRAND~ TEXTES Bibliolheque classtqua de Phil < dírígée par c.RIEURES .r=r=:r /1/1 5UP LES PRÉCIS • DE L'ENSEIGNEMENT LE PSYCHOLOGUE Section dirigée par Pau/ FRA/SSE @ L'ÉDUCATEUR Section dirigée par Gaston i:j LE SOCIOLOGUE Section dirigée par Georges • LE L1NGUISTE Section dírígée par André MIALARET BALAND/ER MARTlNET * L'HISTORIEN Sectíon dírigée par Roland MOUSNIER @ LE GÉOGRAPHE Sectíon dírigée par Píerre GEORGE X L'ÉCONOMISTE Section dírígée par Píerre TABA TON/ LE MATHÉMATICIEN Section dirígée par Jean-Píerre () X LE CHIMISTE Sectíon dírígée par Jacques BÉNARD A PAIDEIA . Bibliotheque pratique de Psychologie el de dírígée par Georges ·HEl ~ • e KAHANE LE PHYSICIEN Sectíon dírígée par Hubert LI~:S PRÉCIS 3005'1.
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