J Radiol 2010;91:1113-20 © Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2010 Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés revue iconographique neurologie Imagerie des traumatismes crâniens par arme à feu A Gervaise, S Foscolo, AS Rivierre, AL Derelle, E Schmitt, M Braun, R Anxionnat et S Bracard es traumatismes crâniens par arme à feu restent rares en France. Ils sont principalement dus aux tentatives de suicide, moins fréquemment aux agressions ou aux accidents de chasse (1). Caractérisés par l’impact d’un projectile à haute cinétique, il s’agit souvent de trau- matismes crâniens graves avec une mor- bi-mortalité importante (2). Comme pour tout traumatisme crânien, le scanner est l’examen d’imagerie de référence. Il per- met d’adapter la prise en charge initiale, de contrôler l’évolution et revêt égale- ment une dimension médico-légale. Quelques points essentiels de balistique lésionnelle La balistique lésionnelle étudie les ef- fets des projectiles et leurs comporte- ments dans les milieux biologiques. Ce comportement dépend autant des fac- teurs propres à l’arme (arme de poing, arme d’épaule, fusil de chasse) que des propriétés dynamiques intrinsèques de la balle (calibre, poids, vitesse, trajectoi- re du tir, angle d’impact) et des proprié- tés physiques des milieux rencontrés (élasticité, densité). En fonction de ces différents paramètres, les lésions balisti- ques sont engendrées par divers méca- nismes lésionnels (3) : lacération directe par le projectile avec destruction tissu- laire le long de son trajet, onde de trans- mission par déperdition énergétique du projectile à l’origine de contraintes physiques sur le parenchyme cérébral adjacent (étirement, cisaillement, compres- sion) et phénomène de cavitation tempo- raire. Ce dernier est lié à la dissipation de l’énergie du projectile le long de son trajet avec formation d’une cavité tem- poraire initialement importante mais qui tend à se réduire dans un second temps compte tenu de l’élasticité du mi- lieu. Cette complexité explique qu’aucu- ne théorie physique ne permette de pré- voir avec certitude le comportement d’un projectile dans le corps humain. Ainsi, plus que l’arme ou la balle utili- sée, c’est l’organe blessé qui fait la gravi- té du traumatisme balistique (par exem- ple, une plaie cérébrale engendrée par une munition de petit calibre peut-être plus létale qu’une plaie par balle de gros calibre dans une jambe). Cette science est donc l’apanage des médecins légistes qui l’utilisent pour reconstituer les cir- constances du traumatismes (agression ou suicide). En pratique courante, la connais- sance du type de balle ou d’arme utilisée n’a pas d’impact sur la prise en charge du patient. Modalités d’imagerie Radiographies Les radiographies conventionnelles n’ont plus aucune indication en cas d’accès au scanner. Leur seul intérêt réside dans la visualisation des fragments métalliques. Elles peuvent toutefois être aisément remplacées par le topogramme de repéra- ge du scanner (fig. 1) (4). Tomodensitométrie (TDM) Comme pour tout traumatisme crânien, le scanner est l’examen d’imagerie de ré- férence pour l’évaluation initiale des lé- sions. Outre sa disponibilité et son faible coût, il assure une bonne analyse des lé- sions traumatiques osseuses et des rema- niements hémorragiques (5). Les deux principales limites de cette technique sont représentées par les artefacts métalliques de la balle et les artefacts de mouvement du patient. L’apparition des scanners multi-détecteurs a permis de réduire considérablement le temps d’acquisition et donc les artefacts de mouvement du pa- tient. En parallèle, l’adaptation des para- mètres d’acquisition et l’amélioration des algorithmes de reconstruction ont égale- ment permis de réduire l’importance des artefacts métalliques (6). Le scanner est réalisé en mode hélicoïdal, en coupes fines, avec des reconstructions dans les 3 plans, en fenêtre osseuse et Abstract Résumé Imaging of cranial gunshot traumas J Radiol 2010;91:1113-20 Cranial traumas from gunshot wounds are characterised by the impact of a high velocity projectile. There are therefore serious, life threatening traumas. CT Scan is essential in the emergency setting for initial evaluation of traumatic bone and parenchymatous injuries to determine the indication for neurosurgery and appropriate medical management. In case of survival, CT Scan and MRI can be used to monitor progress and any possible complications, in particular vascular or infectious complications which are specific to this type of injury. Les traumatismes crâniens par arme à feu sont caractérisés par l’impact d’un projectile à haute cinétique. Ce sont donc des trauma- tismes crâniens graves, mettant en jeu le pronostic vital. Le scanner est l’examen d’imagerie primordial. En urgence, il permet de faire le bilan initial des lésions traumatiques osseuses et parenchymateuses, de poser l’indication d’un traitement neurochirurgical et d’adapter la prise en charge médicale. En cas de survie, le scanner et l’imagerie par résonance magnétique permettent d’assurer le contrôle évolutif et la recherche d’éventuelles complications notamment vasculaires ou infectieuses, plus spécifiques de ce type de traumatisme. Key words: Cranial trauma. Firearms. Imaging. CT Scan. Mots-clés : Traumatisme crânien. Arme à feu. Imagerie. Scanner. L Service de Neuroradiologie, Hôpital Central, 29, avenue De Lattre de Tassigny, 54000 Nancy. Correspondance : A Gervaise E-mail :
[email protected] J Radiol 2010;91 1114 Imagerie des traumatismes crâniens par arme à feu A Gervaise et al. parenchymateuse. Les reconstructions 3D surfacique sont utiles pour l’analyse des fractures, des orifices d’entrée et de sortie, du ou des projectiles. En urgence, l’injection intraveineuse de produit de contraste n’est pas nécessaire et sera diffé- rée afin de diminuer au maximum le temps de réalisation de l’examen. Secon- dairement, l’injection au temps paren- chymateux est utile en cas de suspicion de complication infectieuse (hyperthermie, écoulement purulent, collection) tandis que le temps artériel sera réalisé en cas de suspicion d’une lésion vasculaire (trajet balistique passant au voisinage des artères du polygone de Willis, accident ischémi- que d’un territoire vasculaire, apparition secondaire d’un hématome cérébral ou d’une hémorragie méningée). L’utilisa- tion des reconstructions en mode 3D Maximal Intensity Pixel (3D MIP) per- met une analyse précise des structures vasculaires avec une reconstruction de type angiographique. Imagerie par Résonance Magnétique (IRM) La place de l’IRM reste limitée en urgen- ce. Son utilisation dépend de nombreuses contraintes liées aux artefacts de mouve- ment du patient, à son conditionnement, aux problèmes de monitorage et de durée d’examen chez des patients avec un état clinique parfois précaire. De plus, l’IRM possède une sensibilité moindre que le scanner pour faire le bilan des lésions os- seuses traumatiques (5). Dans un deuxiè- me temps, l’IRM a montré sa supériorité par rapport au scanner pour faire le bilan des séquelles d’encéphalomalacie (7) no- tamment grâce à sa bonne sensibilité pour détecter les pétéchies en rapport avec les lésions axonales diffuses. Cette technique est également plus sensible que le scanner pour la mise en évidence des complica- tions infectieuses tandis qu’elle permet, tout comme le scanner, de faire le bilan des complications vasculaires. Sa principale contre-indication est liée à la présence de matériel ferro-magnétique entrant dans la composition des balles et risquant de se déplacer lors de l’examen. Cependant, la plupart des munitions en vente en milieu civil ne contiennent pas de matériel ferromagnétique (8). En pra- tique, il est cependant difficile de connaître l’origine de la balle. De plus, ces métaux sont également à l’origine de nombreux artefacts de distorsion d’image, gênant l’interprétation notamment sur les sé- quences en écho de gradient. L’IRM doit comporter des séquences dans les 3 plans, en pondération spin écho T1, T2, FLAIR et écho de gradient T2 (cette dernière séquence est la plus utile pour la détection des saignements grâce à sa grande sensibilité aux variations de sus- ceptibilité magnétique induits par les dé- pôts des dérivés de l’hémoglobine). L’in- jection intraveineuse de Gadolinium peut être intéressante pour la détection des processus infectieux et des complications vasculaires. Angiographie cérébrale L’angiographie cérébrale n’a pas d’indi- cation systématique (4). Elle est réalisée uniquement à but thérapeutique, secon- dairement à la réalisation d’un angio- scanner (ou d’une angio-IRM) ayant mis en évidence une complication vasculaire (faux anévrisme, dissection ou fistule ar- térioveineuse post-traumatique). Imagerie du bilan initial Le scanner participe au bilan initial des lésions osseuses (orifice d’entrée et orifi- ce de sortie, fractures) et parenchyma- teuses (hémorragies, œdème cérébral, engagement, pneumencéphalie) afin de poser une éventuelle indication neuro- chirurgicale et d’adapter la prise en charge médicale. Il revêt également une valeur médico-légale (trajet balistique, nombre de projectiles). Il doit être réalisé en urgence, chez un patient hémodyna- miquement stable. Sa réalisation doit être systématique, même en l’absence de traumatisme pénétrant. Il peut être complété par un scanner du massif facial ou du rachis cervical en cas de trauma- tisme associé. Orifice d’entrée et de sortie Même en cas d’impact du projectile, un orifice d’entrée intracrânien n’est pas obligatoirement présent : il peut s’agir d’un traumatisme non pénétrant qui sur- vient soit lorsque la balle a ricoché sur l’os (angle de percussion tangentiel à l’os) soit lorsqu’elle s’est encastrée dans un os épais qu’elle n’a pu traverser (par exemple, impact d’une balle de 22 Long Rifle (22 Fig. 1 : Artefacts métalliques d’une balle de 22 LR encastrée dans le rocher gauche. a Scanner en coupe axiale montrant de nombreux artefacts métalliques gênant l’interprétation de l’image au niveau de la balle mais éga- lement au niveau du tronc cérébral. b Radiographie de profil du crâne permettant une très bonne analyse des contours de la balle ainsi que des autres débris métalliques. c Ces débris métalliques sont également bien analysés grâce au topogramme de repérage du scanner. a b c J Radiol 2010;91 A Gervaise et al. Imagerie des traumatismes crâniens par arme à feu 1115 LR) de faible cinétique sur le rocher). Pour autant, ce type de traumatisme est également pourvoyeur de lésions osseuses (fracture de la table externe ou interne de la voûte, embarrures) et de contusions pa- renchymateuses en regard du point d’im- pact (fig. 2). Lorsqu’il existe un orifice d’entrée mais pas d’orifice de sortie, il s’agit d’un trau- matisme pénétrant (avec un (ou plusieurs) projectile resté en position intracrânien- ne) tandis que s’il existe, en plus de l’orifi- ce d’entrée, un orifice de sortie, le trauma- tisme est dit transfixiant. En cas d’incidence perpendiculaire de la balle par rapport à l’os, l’orifice d’entrée apparaît typiquement de même taille que le calibre de la balle, de bord net et évasé vers le versant interne (fig. 3). Il est fré- quemment associé à des fragments os- seux ou métalliques intracrâniens en re- gard de l’orifice. Il est souvent le point de départ de trait de fractures osseuses. Il peut également prendre un aspect pluri- fragmentaire notamment lors d’un im- pact de la base du crâne ou du massif fa- cial. Sa topographie revêt une valeur médico-légale importante (9, 10). Par exemple, en cas de geste suicidaire, l’ori- fice d’entrée est souvent temporal, du cô- té de la main dominante. Il peut égale- ment être situé au niveau du palais osseux. À l’inverse, un orifice d’entrée lo- calisé en région frontale antérieure et surtout en position postérieure (occipita- le ou pariétale) est le plus souvent le fait d’une agression (fig. 4). L’orifice de sortie (parfois multiple) est de diamètre plus important que l’orifice d’entrée, de bord plus irrégulier et évasé sur son versant extérieur. Souvent pluri- fragmentaire, il est associé à des esquilles osseuses dans le tissu mou sous-cutané (fig. 3). Trajet balistique Le déplacement de la balle est responsable de lésions osseuses et parenchymateuses secondaires à la lacération directe du pa- renchyme par la balle mais également secondaires aux phénomènes de cavita- tion et d’onde de choc. Ces lésions pa- renchymateuses sont à l’origine de re- maniements oedèmato-hémorragiques qui permettent de reconstituer le trajet balistique. Celui-ci peut être rectiligne, de forme conique, reliant l’orifice d’en- trée à l’orifice de sortie (fig. 3) . Il est sou- vent accompagné de débris osseux ou mé- talliques. Il est plus complexe et difficile à établir en cas de projectiles multiples ou quand la balle ricoche sur les parois osseu- ses (fig. 5a). Il est rare que le trajet balisti- que ne s’accompagne pas de remanie- ments hémorragiques ce qui rend alors sa visualisation difficile. La topographie du trajet balistique per- met d’établir un pronostic de survie (1, 4). Par exemple, les trajets bitemporaux ou frontaux para-falcoriels ont un meilleur pronostic que l’atteinte transventriculaire qui est associée à une morbi-mortalité très importante. De même, les trajets bi-hé- misphériques ou pluri-lobaires (atteinte étendue), à proximité des structures vas- culaires (risque d’hémorragie aiguë) ou en fosse cérébrale postérieure (moins Fig. 2 : Balle de 22 LR à l’origine d’un traumatisme crânien non pénétrant. a Scanner en coupe frontale et fenêtre osseuse montrant la balle encastrée dans le rocher gauche. b En fenêtre parenchymateuse, même si la balle n’a pas pénétré dans le parenchyme cérébral, elle est à l’origine d’une contusion parenchymateuse oedémato-hémorra- gique en regard du point d’impact (flèche) du fait de l’onde de choc de la balle contre l’os. a b bonne tolérance de l’œdème sur le tronc cérébral) sont de moins bon pronostic. La description du trajet de la balle est aus- si un élément médico-légal important : elle permet d’estimer l’angle d’impact et d’en déduire la position de l’arme par rap- port à la victime (10). Corps étrangers intracrâniens Les corps étrangers intracrâniens provien- nent soit du projectile primaire (la balle) Fig. 3 : Orifice d’entrée et orifice de sor- tie chez un patient adressé pour une tentative de suicide par arme à feu. Scanner en coupe axiale et fenê- tre parenchymateuse montrant l’orifice d’entrée temporal droit qui est de taille équivalente au calibre de la balle et de bords nets (flèche) tandis que l’orifice de sor- tie temporal gauche est de taille plus importante, de bord plus irrégulier et est évasé sur son ver- sant externe (tête de flèche). Fig. 4 : Traumatisme balistique par agression. Reconstruction scano- graphique 3D surfacique mon- trant l’orifice d’entrée frontal antérieur. Notez également les traits de fracture irradiant depuis l’orifice d’entrée, bien visibles sur cette reconstruction 3D. J Radiol 2010;91 1116 Imagerie des traumatismes crâniens par arme à feu A Gervaise et al. soit des projectiles secondaires (fragments osseux ou débris métalliques provenant de la balle, morceaux de vêtements arra- chés au passage de la balle). Les projectiles secondaires peuvent également devenir pénétrants et vulnérants (fig. 6) . Leur présence est associée à un mauvais pro- nostic compte tenu de la multiplication des lésions traumatiques intracérébrales. Le nombre de projectile primaire est également un élément médico-légal im- portant (cas exceptionnel de suicide avec plusieurs balles intracrâniennes (11)). Fractures osseuses Les traumatismes crâniens par arme à feu sont associés à des lésions osseuses de gravité variable. L’angle d’incidence du tir ainsi que la vélocité de la balle in- fluent sur la sévérité des lésions osseu- ses. En cas d’incidence tangentielle du tir et d’une faible vélocité, la balle peut ricocher sur l’os n’entraînant que de lé- sions osseuses simples (par exemple, fracture de la table externe). Avec un angle d’incidence perpendiculaire et une balle de haute vélocité, le trajet peut être rectiligne avec un orifice d’en- trée et un orifice de sortie de contours nets, sans fracture associée. Le plus sou- vent, il existe des traits de fracture mul- tiples et parfois complexes, notamment au niveau du massif facial. Les recons- tructions 3D surfaciques sont utiles pour en faire le bilan. Par ailleurs, mê- me en l’absence de pénétration de la balle, l’impact peut engendrer une em- barrure ou des lésions osseuses de la ta- ble interne de la voûte avec création de projectiles osseux secondaires vulné- rants. En cas de pénétration, la création d’une brèche ostéoméningée majore le risque infectieux. Hémorragies Les remaniements hémorragiques sont une des principales causes de mortalité durant les premières heures suivant le traumatisme. Elles associent souvent un hématome du scalp au point d’entrée, une hémorragie sous-arachnoïdienne, un Fig. 5 : Tentative de suicide par 22 LR avec orifice d’entrée au niveau du palais osseux. a Scanner initial en coupe sagittale et fenêtre parenchymateuse montrant le trajet balistique ascendant depuis le palais osseux jusqu’à l’os frontal. La faible vélocité de la balle ainsi que l’angle de percussion tangentiel de celle-ci avec l’os frontal explique le ricochet de la balle sur l’os frontal. Notez toutefois l’embarrure au point d’impact frontal. b Scanner de contrôle à 10 jours montrant un déplacement spontané de la balle par les espaces péri-cérébraux vers la région occipitale. c Angio-scanner de contrôle à 10 jours, avec injection de produit de contraste iodé au temps artériel et reconstruction en MIP épais, met- tant en évidence un petit faux anévrisme post-traumatique d’une branche fronto-polaire de l’artère cérébrale antérieure (flèche). d Artériographie cérébrale en reconstruction 3D et vue sagittale, confirmant la présence du petit faux anévrisme post-traumatique (flèche). a b c d J Radiol 2010;91 A Gervaise et al. Imagerie des traumatismes crâniens par arme à feu 1117 hématome sous ou extra-dural, des héma- tomes parenchymateux, ou encore une hémorragie intraventriculaire. Le pro- nostic est d’autant plus défavorable que les remaniements hémorragiques sont importants. L’existence d’une hémorra- gie intraventriculaire est également un élément de mauvais pronostic (1). Comme pour tout traumatisme crânien, les héma- tomes compressifs (notamment les héma- tomes extraduraux) représentent une indication de traitement neurochirurgi- cal en urgence. Œdème et engagements cérébraux Les lésions engendrées par les projectiles primaires ou secondaires s’accompagnent de contraintes physiques sur le parenchy- me cérébral adjacent (étirement, cisaille- ment, compression). Ces contraintes sont à l’origine d’un œdème cérébral vasogéni- que par rupture mécanique de la barrière hémato-encéphalique. Cette dernière en- gendre une libération de radicaux libres et de facteurs toxiques qui aboutit à une altération de la microcirculation locale et à une baisse du débit sanguin cérébral fa- vorisant la constitution d’un œdème céré- bral cytotoxique. Un cercle vicieux s’ins- talle avec une extension progressive de l’œdème cérébral. Celui-ci est maximal vers les 48-72 heures puis régresse au bout d’une semaine (12). Il est source d’une hypertension intracrânienne, également favorisée par les remaniements hémorra- giques. Il se traduit par une dédifféren- ciation entre la substance blanche et la substance grise, un effacement des sillons corticaux ou encore une compression des ventricules. L’effacement des citernes de la base est un des signes majeurs de l’hypertension intracrânienne (fig. 7) (13). L’œdème et l’hypertension intracrânien- ne sont à l’origine d’engagements céré- braux, d’hernies cérébrales à travers les orifices d’entrée ou de sortie, ou d’une is- chémie cérébrale diffuse, de très mauvais pronostic. Air intracrânien Présent dans la moitié des cas, l’air intra- crânien (pneumencéphalie ou pneumo- ventriculie) traduit la présence d’une brè- che durale. Elle est associée à un risque accru de complications infectieuses et à un mauvais pronostic, notamment lors- qu’elle se situe à distance du trajet balisti- que (14). Fig. 6 : Scanner d’un patient pris en charge pour un traumatisme balistique par agression avec impact frontal gauche. La balle est restée en position extra-crânienne mais est à l’origine d’une fracture de l’os frontal responsable de projectiles osseux secondaires pénétrants et vulnérants avec lésions parenchymateuses frontales gauches. a Coupe axiale en fenêtre osseuse. b Coupe axiale en fenêtre parenchymateuse. a b Fig. 7 : Tentative de suicide par arme à feu avec orifice d’entrée temporal droit. Scanner ini- tial mettant en évidence des signes d’œdème cérébral diffus, de mauvais pronostic (décès du patient). a Disparition des citernes de la base et du 4e ventricule. b Effacement des ventricules latéraux. c Effacement des sillons corticaux. d Artériographie cérébrale par voie veineuse confirmant l’absence d’opacification des artères encéphaliques traduisant la mort cérébrale. a b c d J Radiol 2010;91 1118 Imagerie des traumatismes crâniens par arme à feu A Gervaise et al. Traumatismes associés Les traumatismes crâniens par arme à feu peuvent s’accompagner de lésions du massif facial, notamment des orbites et des rochers (fig. 8 et 9) . Souvent au second plan, il ne faudra pas hésiter à couvrir le massif facial jusqu’à la mandibule lors de l’acquisition. Lorsqu’elles sont au pre- mier plan, elles associent des fracas osseux complexes et des pertes de substance im- portantes (énucléation, amputation man- dibulaire). Le traumatisme crânien peut également être associé à un traumatisme du rachis cervical (entorse, luxation ou fracture) qui pourra également bénéficier d’une exploration lors du scanner initial (fig. 10) . Imagerie des complications secondaires L’IRM a montré sa supériorité par rap- port au scanner pour faire le bilan des sé- quelles parenchymateuses et des compli- cations infectieuses, plus spécifiques de ce type de traumatisme (4). Concernant les complications vasculaires, l’angio- scanner est dorénavant aussi performant que l’angio-IRM. De plus, la possibilité de persistance de corps étrangers ferro- magnétiques ainsi que la faible disponi- bilité de l’IRM expliquent que le scanner reste l’examen de choix pour le contrôle des traumatismes crâniens par arme à feu. Le premier contrôle est réalisé 48 à 72 heures après le traumatisme, lorsque l’œdème cérébral est maximal. L’injec- tion est alors recommandée, tant au temps artériel pour l’analyse des vais- seaux, qu’au temps parenchymateux pour la mise en évidence d’un processus infectieux. Par la suite, les scanners de contrôle seront pratiqués en cas d’aug- mentation de la pression intracérébrale ou de signes cliniques d’engagement. À 1 mois, le scanner de contrôle permet de détecter l’apparition d’une hydrocépha- lie post-traumatique. Complications infectieuses D’étiologies variées (infection des tissus mous sous-cutanés, abcès, ventriculite, encéphalite ou méningite), elles survien- nent soit précocement (dans les 24 à 48 premières heures) soit à distance, parfois plusieurs mois après le traumatisme. Pré- sentes dans environ 5 % des cas, elles sont favorisées par la présence de débris orga- niques (cheveux) ou vestimentaires tandis qu’une balle ou des fragments osseux en position intracrânienne n’augmentent pas significativement le risque infectieux : leur retrait n’est donc pas indispensable (15). L’aspect radiologique est peu spécifique et leur diagnostic peut être délicat notam- ment du fait des remaniements chirurgi- caux. La confrontation de l’aspect radiolo- gique et du contexte clinico-radiologique est alors indispensable. Complications vasculaires Elles doivent être suspectées devant l’ap- parition secondaire d’un hématome in- tracérébral, d’une hémorragie ménin- gée, d’un accident ischémique d’un territoire vasculaire ou compte tenu d’un trajet balistique passant à proximité du polygone de Willis. Il s’agit essentielle- ment des faux anévrismes traumatiques résultant de la lacération directe de la pa- roi artérielle (fig. 5 et 11) . Ils peuvent également être secondaires à l’onde de choc d’un traumatisme non pénétrant. Ils surviennent dans environ 3 % des cas Fig. 8 : Reconstruction scanographique 3D surfacique. Impact temporal gauche avec fracas osseux complexe de la face. Fig. 9 : Scanner d’un traumatisme balistique facial et crânien avec orifice d’entrée ptérionel gauche et trajet interorbitaire. a Fracas osseux complexe de la face et des sinus. b Impact ptérionel gauche (flèche), trajet interorbitaire délabrant (perte du globe oculaire droit, rupture du nerf optique gauche). c Notez également le volumineux hématome intraparenchymateux frontal gauche, secondaire à l’onde de choc. a b c J Radiol 2010;91 A Gervaise et al. Imagerie des traumatismes crâniens par arme à feu 1119 et se développent principalement au ni- veau d’une branche collatérale de l’artè- re cérébrale moyenne et s’accompagnent dans 80 % des cas d’un hématome intra- cérébral (16). Les complications vascu- laires moins fréquentes sont représen- tées par les spasmes artériels ou les fistules artério-veineuses. Ces anomalies seront mises en évidence par un angio- scanner ou une angio-IRM éventuelle- ment complétés par une artériographie cérébrale à but thérapeutique. Déplacement secondaire de la balle Dans certains cas, la balle peut migrer dans les espaces sous-arachnoïdiens et peut alors se déplacer secondairement (fig. 5b) . Ce dé- placement suit principalement la pesanteur et est d’autant plus facile que la balle reste in- tacte (bord lisse apportant moins de résistan- ce au déplacement). Elle peut également être associée au développement d’un abcès intra- cérébral au contact de la balle. En cas de dé- placement, la balle peut être à l’origine d’une hydrocéphalie aiguë obstructive secondaire au blocage du liquide cérébro-spinal (17). Le retrait de la balle s’avère alors indispensable. Une radiographie préopératoire est utile pour déterminer la position de la balle juste avant son ablation chirurgicale. Hydrocéphalie Elle peut être aiguë, secondaire à l’obstruc- tion par un fragment balistique ou à la Fig. 10 : Traumatisme balistique avec impact temporal droit et décès du patient. a Scanner cérébral montrant un trajet balistique interhémisphérique et transventriculaire, de mauvais pronostic, ainsi qu’un œdème cérébral diffus. b Scanner cervical avec reconstruction en MIP épais superposant l’atlas et l’axis, mettant également en évidence une subluxation rota- toire de C1 sur C2. a b Fig. 11 : Scanner de contrôle pour surveillance d’un faux anévrisme de la carotide interne droite secondaire à un traumatisme balistique. a Scanner en fenêtre osseuse, balle encastrée dans le rocher droit, venant au contact du canal carotidien (tête de flèche). b En fenêtre parenchymateuse, après injection intraveineuse de produit de contraste iodé, mise en évidence d’un faux anévrisme de la carotide interne droite (flèche) au contact de la balle (tête de flèche). a b compression d’un hématome intraparen- chymateux, ou tardive, secondaire à une hé- morragie intraventriculaire, sous arachnoï- dienne ou à une ventriculite. Les scanners de contrôle doivent donc s’attacher à éva- luer le volume ventriculaire. Celui-ci peut également se trouver majoré en cas d’atro- phie cérébrale globale post-traumatique. La ballonnisation des cornes frontales, l’aspect bombant du récessus antérieur du 3 e ventri- cule, la dilatation ventriculaire proportion- nellement plus importante que celle des sillons ainsi que la présence de signe de ré- sorption transépendymaire sont en faveur d’une hydrocéphalie plutôt que d’une atro- phie cérébrale globale post-traumatique. Imagerie des séquelles parenchymateuses En cas de survie, les remaniements œdé- mateux et hémorragiques se résorbent en quelques semaines. Ils laissent la place à J Radiol 2010;91 1120 Imagerie des traumatismes crâniens par arme à feu A Gervaise et al. des séquelles parenchymateuses hypo- denses au scanner (fig. 12) qui témoi- gnent de lésions d’encéphalomalacie (sources d’épilepsie secondaire en cas d’atteinte corticale), de lésions d’atrophie, de démyélinisation, de cavitation ou de gliose. Souvent, il persiste également des corps étrangers intracrâniens (balle ou débris osseux) et des remaniements os- seux (séquelles de cranioplastie, cal os- seux). Les dépôts d’hémosidérine et les lé- sions d’éncépaholomalacie seront mieux analysés en IRM. En effet, la meilleure analyse tissulaire de l’IRM permet une description plus précise du type et de l’ex- tension des lésions parenchymateuses sé- quellaires. Conclusion La balistique lésionnelle est une science complexe dont la connaissance n’a pas d’intérêt en pratique pour la prise en charge du patient. Le scanner est l’exa- men d’imagerie primordial. Il permet de faire le bilan initial des lésions osseuses et parenchymateuses, d’identifier les ur- gences neurochirurgicales et d’adapter la prise en charge médicale. Le compte- rendu du radiologue doit être descriptif tant pour le chirurgien et le clinicien mais également à visée médico-légale. En cas de survie, les contrôles évolutifs, par scanner ou IRM, devront rechercher les complications vasculaires ou infec- tieuses, plus spécifiques de ce type de traumatisme. Conflits d’intérêt Aucun. Références 1. Paradot G, Aghakani N, Montpellier D, Parker F, Tadié M. Craniocerebral guns- hot wounds : a study of outcome predic- tors. Neurochirurgie 2008;54:79-83. 2. Glapa M, Zorio M, Snyckers FD et al. Gunshot wounds to the head in civilian practice. Am Surg 2009;75:223-6. 3. Hollerman JJ, Fackler ML, Coldwell DM, Ben-Menachem Y. Gunshot Wounds: 1. Bullets, ballistics, and mechanisms of inju- ry. AJR Am J Roentgenol 1990;155:685-90. 4. Kim PE, Go JL, Zee CS. 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Fig. 12 : Contrôle évolutif d’un traumatisme crânien par arme à feu. a Scanner initial avec trajet balistique bi-frontal. b Scanner de contrôle à J7 : volet de craniectomie de la convexité droite et diminution de l’hyperdensité spontanée de l’hématome. c Scanner de contrôle à 5 ans : séquelles parenchymateuses hypodenses, cranioplastie de la convexité droite et persistance de frag- ments métalliques intracrâniens. a b c Imagerie des traumatismes crâniens par arme à feu Quelques points essentiels de balistique lésionnelle Modalités d’imagerie Radiographies Tomodensitométrie (TDM) Imagerie par Résonance Magnétique (IRM) Angiographie cérébrale Imagerie du bilan initial Orifice d’entrée et de sortie Trajet balistique Corps étrangers intracrâniens Fractures osseuses Hémorragies OEdème et engagements cérébraux Air intracrânien Traumatismes associés Imagerie des complications secondaires Complications infectieuses Complications vasculaires Déplacement secondaire de la balle Hydrocéphalie Imagerie des séquelles parenchymateuses Conclusion Références